Comment comprendre les tendances en exploitant l'historique des data Social Media
Réunir toutes les data disponibles pour travailler sur de nouveaux projets, de nouveaux marchés est essentiel. "Pour les décisions les plus importantes de votre vie, faites confiance à votre intuition, puis travaillez avec tout ce dont vous disposez, pour le prouver." déclarait Tim Cook, le célèbre CEO d'Apple. On pourrait appliquer ce conseil plein de bon sens à l'exploration des données numériques.
Les données constituent un socle important pour enrichir sa connaissance d’un nouvel environnement, pour l’annonceur comme pour l’agence: "Gagner un pitch, c'est la capacité de l'équipe de l'agence à offrir une solution convaincante qui repose sur des insights approfondis sur les consommateurs et le marché ” explique ainsi Kelly Clark, CEO de GroupM, le plus grand groupe d’agences média.
Nous allons voir comment l'exploitation et l’analyse des données disponibles sur les médias sociaux sur plusieurs mois et années en arrière permet de mieux comprendre votre environnement économique, les enjeux, les menaces, les ruptures. Examinons 3 exemples d'utilisation de clients Agences :
- comprendre les tendances en les mettant en perspective.
- détecter l’évolution des insights consommateurs
- évaluer l’impact de certains influenceurs
En bref, nous allons appliquer un vieux précepte fondamental : analyser le passé pour comprendre le présent et...le futur
I. Le challenge : collecter la donnée en un minimum de temps
Le défi à relever est clair mais ardu : capter et détecter la data pertinente, sans y passer trop de temps, afin d'être le plus réactif possible pour la prise de décision et la démonstration de valeur.
Pour le marketeur, la collecte, l'organisation et l'analyse des données marketing provenant de différentes sources prennent en moyenne 3,55 heures par semaine devant la gestion des emailing, les landing pages ou encore la gestion des médias sociaux (1).
Pour l'ensemble des collaborateurs de l’entreprise, Aakash Sahney, chef de produit de Google pour Gmail, rappelle que "les etudes montrent que les employés passent jusqu’à 8 heures par semaine à rechercher ou à consolider des informations" (2).
II. Comprendre les tendances : l'impact réel de la campagne Nike-Colin Kaepernick
1. Capter un vaste ensemble de données
L’analyse de données historiques du web permet de comprendre le présent (progression naturelle, rupture), détecter les évolutions (mode, consommation, usage), comparer
(par exemple l’impact de campagnes), mettre en perspective (l’impact réel d’un bad buzz, d’un boycott) et nourrir l'analyse prédictive (quelle évolution ou performance potentielle à CT et MT ?) .
Bien sûr, vous pouvez utiliser des outils comme Google Trends qui analyse les anciennes données du web. Mais vous manquerez 70% des informations partagées à propos de tendances, d'opinion, de produits : celles produites chaque jour sur les réseaux sociaux.
Il faut en effet pouvoir capter les données historiques d’un vaste ensemble qui comprend les réseaux sociaux, les sites d’actualités, les médias sociaux (forums, blogs) qui, notamment en France, représentent des millions d'utilisateurs actifs chaque mois. Les espaces de conversations dominant sont très différents selon les secteurs. Ainsi en Retail Beauté, 46% des conversations sont issus de Twitter, dans le domaine de la Santé, ce sont les forums qui regroupent 71% des messages (3).
2. Détecter l’évolution d’une tendance
Prenons l’exemple simple de l’Internet des Objets (Internet of Things-IoT). Domaine de conversation très populaire sur les réseaux sociaux en 2016 puis au début de 2017, l’intérêt pour ce secteur s’est largement émoussé pour 2018 avec plus de 2 fois moins de conversations sur l’ensemble des médias sociaux. Attention toutefois : il faudra contextualiser cette analyse avec les segments encore porteurs ou en déclin et aussi, selon les pays. Ainsi, aux USA, l’attrait pour l’IoT ne s'amenuise pas comme en France.
3. Le cas Nike - Colin Kaepernick
Analyser les data permet aussi de comprendre, via la mise en contexte, l’impact d’une campagne de communication, d’une tendance d’opinion, d’un bad buzz. Ce sont tout ces aspects que l’on retrouve dans la campagne de Nike du mois de septembre.
Début septembre, Nike lance une campagne corporate, mettant en vedette le joueur de la NFL (Ligue nationale de football américain) Colin Kaepernick : “Believe in someting, even if it means sacrificing everything. #JustDoIt" peut-on lire sur les différents supports médias. Le joueur est en effet maintenant exclu de toutes les équipes nationales.
Colin Kaepernick n’est pas n’importe quel joueur : il s’est notamment illustré en lançant le mouvement de boycott de l’hymne national américain, avant les matchs de la NFL, en posant un genou à terre. En signe de protestation contre les traitements réservés aux noirs par la police.
Le choix de cet “ambassadeur” n’est pas du goût de tout le monde et Nike s’attire de nombreuses critiques, souvent violentes, de la part d’une partie de la population américaine. Le hashtag #BoycottNike est lancé. De nombreux internautes se filment en train de brûler leurs chaussures Nike. Donald Trump, qui avait déjà condamné le boycott de l’hymne national, soutient ce nouveau boycott de la marque.
Quel a été l’impact de #BoycottNike ?
Côte médias socaux, peut-on parler d’un fort impact de la campagne #BoycottNike et de ses prolongements (messages de politiques, vidéos) ?
Nike associé à Kaepernick, c’est un pic à plus de 2,13 millions de mentions le 4 septembre, le lendemain du début de la campagne et…plus de 17 millions de mentions cumulées en une seule semaine.
A titre de comparaison, le #BoycottNike n’a généré “que” 237 000 mentions soit près de 10 fois moins ! Côté interactions, nous nous situons aussi dans un rapport de 1 à 10 : plus de 6 millions d’interactions pour les messages citant Nike et Kaepernick contre 624 000 pour l’appel au boycott.
Relativisons maintenant ces chiffres : 17 millions de mentions pour Nike en 1 seule semaine, est-ce un volume élevé ? C'est là que la recherche des données historiques intervient : Sur les 2 dernières années, la marque Nike a généré en moyenne 2,3 millions de mentions par mois. Le volume de conversations généré en septembre est donc...énorme.
Il faut de nouveau relativiser : l’impact ponctuel est considérable sur les médias sociaux. Mais une analyse sur les 2 dernières années montre toutefois que les produits Nike (Air Vapormax, sneakers, Airmax...) demeurent beaucoup plus cités que le footballeur rebelle.
En résumé : un impact très important sur les médias sociaux sur une semaine, dépassant de loin l’impact de #BoycottNike mais un volume qui reste, sur 24 mois, en-deçà des conversations traditionnelles sur les produits de la marque.
Côté business, le cabinet Edison Trends estime que la campagne a…fait exploser les ventes : “entre le dimanche 2 et le mardi 4 septembre, les ventes en ligne ont progressé de 31%, alors que l'an dernier, elles n'avaient progressé que de 17% sur l'ensemble de la saison". La campagne de publicité avait été lancée le 3 septembre.
Au final, "Nike a vu une hausse de la fréquentation de son site et des interactions sur les réseaux sociaux depuis le lancement de cette campagne" et le chiffre d'affaires auraient augmenté de plus de 10%. Le titre Nike a clôturé le 12 septembre à 83,49 dollars (+0,02 %), un niveau jamais atteint depuis son introduction en Bourse en 1980. Mais, selon les analystes, il est encore trop tôt pour tirer les conclusions et toutes les corrélations entre la campagne et les ventes. Fait intéressant, selon Edison Trends, “les ventes se sont accélérées dans des Etats perçus comme plus à gauche, à l’instar du Maryland, du New Jersey, et du Delaware, tandis que des baisses ont été notées dans des régions plus conservatrices, Idaho, Wyoming et Montana notamment”.
III. Détecter l’évolution des insights consommateurs
Autre application de l'analyse d’un historique de données sur les médias sociaux : révéler les évolutions des insights consommateurs sur une thématique précise.
Les insights consommateurs collectés sur les médias sociaux constituent des informations précieuses pour mieux comprendre les goûts de vos acheteurs, leurs style de vie et de consommation et le pourquoi de leur amour ou dédain envers vos produits.
Sur certains secteurs comme le Retail, la mode ou encore la beauté, ces conversations de consommateurs captés sur les réseaux sociaux permettent de renseigner différentes étapes du parcours client : La recherche d’information, l'échange d’avis et de conseils, expérience en magasin, la livraison, le SAV etc…
Examinons un cas autour de la livraison de colis Amazon. Une agence a comparé les thématiques majeures soulevées par les internautes entre 2018 et 2017. A priori, tout va presque bien : un pic classique de messages sur la livraison de colis pendant la période de Noël, et un taux de sentiments négatifs qui ne progresse “que” de 2% entre 2017 et 2018. Mais en regardant de plus près lévolution des mécontentements entre les 2 années, un nouveau sujet est apparu, sujet intéressant car il n’est pas directement lié au géant américain de l'e-commerce mais aux sous-traitants chargés de la livraison : Ainsi, 15% des sentiments négatifs sont liés au terme “relais colis” : en clair, les clients se plaignent de devoir faire des kilomètres pour aller chercher leurs colis dans un magasin "relais" alors qu’ils n’ont jamais choisi ce type de livraison lors de leurs achats sur la plateforme. En cause, après analyse des messages de certains livreurs : l'augmentation des cadences et du rendement les poussent à éviter de faire leur tournée entièrement et les incitent à déposer le maximum de colis au même endroit.
IV. Evaluer l’impact des influenceurs-influenceuses
Pour votre stratégie de marketing d’influence aussi, l’analyse des données social media historiques est précieuse.
Imaginons que vous ayez sélectionné un ou plusieurs influenceurs ou micro-influenceurs : vous avez procédé à une analyse quantitative de leurs performances ces dernières semaines (audience, pertinence, engagement, résonance-propagation) et à une analyse qualitative (ligne éditoriale, langage, relation avec les marques...)
Mais comment évoluera cet influenceur à CT et MT ? Quel potentiel pouvez-vous en attendre ? Bien sûr, on ne va pas deviner le futur mais tenter de le déduire. En regardant la nature de ses interactions et de la résonance de ses publications sur une longue période, les agences peuvent en effet affiner vos critères de sélection et imaginer une possible future évolution.
Ainsi, une analyse de l'impact social media sur plusieurs années montre qu’un influenceur comme Jérôme Jarre génère une visibilité récurrente mais ponctuelle, bien au-delà des réseaux sociaux, uniquement liée à ses engagement humanitaires. Le Reach moyen est supérieur à 15 millions.
Dans le domaine des influenceuses mode, une analyse de l'historique des données social media, de la visibilité et de la propagation des publications affinent les critères de sélection.
Par exemple, une célébrité comme Caroline Receveur, a, ces dernières années, généré une visibilité régulière, continue, mais bien au-delà de la seule sphère des médias sociaux, en atteignant l'écosystème des News "People". Le Reach moyen des messages est supérieur à 6 millions. Avec un nombre d'abonnés légèrement inférieur, la macro-influenceuse Mode Stéphanie Durant produit, un impact qui est lui, plus circonscrit au secteur "Fashion" au sein des médias sociaux. Mais sa visibilité est en croissance régulière depuis un an. Le reach moyen est supérieure à 1,5 million.
Et vous, quelles utilisations avez-vous des historiques de données sur les médias sociaux et le web ?
- Les tâches du marketeur. Etude Hubspot
- IDC-McKinsey Global Institute Analysis
- Etude secteurs Digimind 2017-2018 sur 8 millions de mentions : Beauté, Mode, Santé.
Ecrit par Christophe Asselin
Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.