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Christophe Asselin - févr. 10, 2020

Le digital est une magnifique opportunité …pour ceux qui possèdent les données.

"Non seulement nous sommes en train de nous faire dépouiller de nos données, mais en plus nous nourrissons les outils qui demain vont nous ubériser. "

 

A l’occasion de la sortie du nouveau Guide des tendances digital, marketing, social média 2020 qui regroupe les points de vue et billets de plus de 30 spécialistes, j'ai eu le plaisir de donner la parole à Jérôme Bondu. Il évoque la souveraineté numériques et l’enjeu autour de la possession des données, de vos données…

 

Jeroembounduround



Jérôme Bondu

Directeur d’inter-ligere.fr, cabinet de veille et intelligence économique

 

 

 

 

 

 Je ne fais pas partie de ceux qui admirent béatement le développement des médias sociaux. Je fais partie de ceux dont la formation et le métier (intelligence économique) imposent de regarder le dessous des cartes. Or force est de constater que sous ces cartes, le tableau n’est pas très reluisant pour les entreprises Européennes. Expliquons-nous…

Tout le monde se précipite sur les médias sociaux comme si leur vie en dépendait : Les jeunes, les moins jeunes, les organisations, les entreprises, les institutions. Chacun développe son réseau LinkedIn, Twitter, peaufine sa page Facebook ou son compte Instagram. Mais ne semble pas s’affoler de la gratuité de ces outils. En toute rationalité il n’est pas imaginable que ces plateformes fournissent ces services gratuitement pour le plaisir. C’est donc là qu’il faut retourner les cartes. 

 

Les sources de revenus sont plus ou moins connues. Il faut les rappeler : 

 

1. Il s’agit d’abord de fournir de la publicité aux utilisateurs. Ça, vous le savez bien.

2. Il y a ensuite la vente des données des utilisateurs à des tiers. Vous le savez aussi. 

3. C’est aussi, la possibilité pour les acteurs du numérique de passer en mode payant quand les utilisateurs que nous sommes seront trop bien dépendant de ces outils pour en changer. 

Google a rappelé récemment à ses utilisateurs (notamment de Gmail) que la limite de stockage gratuite est de 15 gigaoctets. Au-delà, il faut soit faire le ménage dans ses données, soit souscrire à une offre payante. Il est évident que le poids de nos données stockées chez Google va aller de manière croissante, et que tôt ou tard beaucoup vont devoir souscrire à l’offre payante. Google ne perd rien pour attendre…

Autre exemple : Facebook monétise déjà la possibilité d’être mis en avant dans les fils d’actualité. Mais il semble évident que ceci n’est qu’un début. Plus les entreprises seront dépendantes de leur page Facebook, plus elles seront enclins à payer pour la conserver et l’exploiter. Là encore, le temps joue en faveur des géants de la Tech.

 

Comment croire que ces sociétés américaines ne vont pas utiliser leur pouvoir de pression sur les clients que nous sommes. Quelle naïveté de croire qu’elles travaillent uniquement pour notre confort et notre bien être ? Ce ne sont pas des ONG caritatives !  

 

4. C’est enfin la construction de « doubles numériques » pour pouvoir entraîner des outils d’intelligence artificielle. Comme ce concept est moins connu il faut s’arrêter quelques instants. Il y a environ 7 milliards d’habitants sur terre. 80% ont un téléphone qui fonctionne avec Android (de Google). 20% ont iOs d’Apple. 30% ont un profil Facebook. 10% ont un profil dans LinkedIn (de Microsoft). Ainsi de suite… Nous sommes donc dans de très grosses masses. Ces entreprises récupèrent des quantités astronomiques de données sur nos comportements. Et ce sont ces données qui sont « injectées » dans les outils d’intelligence artificielle pour les entraîner. Non seulement nous sommes en train de nous faire dépouiller de nos données, mais en plus nous nourrissons les outils qui demain vont nous ubériser. 

 

Le constat est posé.

Que faire ? Le meilleur conseil à donner aux internautes et entreprises du 21ème siècle en matière de digital et de gestion des médias sociaux tient en cinq petits mots : construisez sur le long terme ! Cela peut se décliner de nombreuses manières : utilisez un mail propriétaire lié à un nom de domaine que vous possédez (et oubliez Gmail).

N’utilisez les médias sociaux que comme des outils de fléchage vers votre site internet. Songez qu’un jour vous pourriez ne plus les utiliser si facilement.

Utilisez des solutions sociales alternatives, moins connues, en doublon, pour ne pas être ficelée à l’un ou l’autre des grands acteurs. Favorisez des outils européens qui respectent le droit européen de la donnée et notre vision de la vie privée.

 

...ces données qui sont « injectées » dans les outils d’intelligence artificielle pour les entraîner. Non seulement nous sommes en train de nous faire dépouiller de nos données, mais en plus nous nourrissons les outils qui demain vont nous ubériser. 

 

 

Minimisez votre dépendance à des modèles économiques de la gratuité. Et intéressez-vous à ce que l’on appelle la « souveraineté numérique » qui sera le concept fort du 21ème siècle. L’Europe doit construire son industrie du numérique à l’égal de ce qu’ont fait les Américains, et de ce que sont en train de faire les Chinois. Cela ne se fera pas en un jour ni en un an. Mais même si cela prend 10 ou 20 ans, cela doit être fait. C’est la mission de notre génération pour les générations futures. Vive le digital … sans entrave ! 

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Ecrit par Christophe Asselin

Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.