[Tendances 2021] Culture, créativité, modèle économique : profonde crise d’identité des agences pour 2021
Mathieu Flaig, Directeur Général au sein du Cabinet Conseil et Formation en accélération digitale SYSK, évoque la crise d’identité des agences en termes de culture, créativité et modèle économique.
Un article écrit dans le cadre du nouveau Guide des tendances 2021 en digital, marketing & social média qui rassemble les analyses, articles et points de vue de 35 spécialistes.
“ Dans ma carrière, j’ai passé 10 ans en agence : communication, publicité, social media… J’ai fini par quitter ce secteur que j’ai pourtant aimé, à cause de problèmes qui n’ont fait que s’amplifier jusqu'en 2020 ” explique Mathieu Flaig.
Culturellement d’abord : les agences sont génératrices (ou le croient-elles) de “cool”. Cette culture du cool est très ancrée dans les esprits, mais elle a un côté sombre : la recherche permanente d’un “esprit cool” permet d’excuser les comportements les plus détestables, et les plus répréhensibles. Pour dénoncer cela, et notamment le harcèlement moral et sexuel, nous avons vu naître en 2020 “Balance Ton Agency”, un compte Instagram qui a attiré en peu de temps +40K abonné(e)s, et qui concentre les témoignages les plus glauques du secteur. Ses publications ont déjà eu des conséquences, notamment la démission du Président de l’AACC, ou la rupture entre l’agence Australie et Braaxe qu’elle souhaitait racheter. A noter que BTA (pour les intimes) avait été précédé par l’association Les Lionnes, qui milite elle aussi pour un secteur plus sain. Ces deux entités ont bousculé beaucoup d’agences et ont généré des prises de conscience qui vont se poursuivre en 2021. Et je suis prêt à parier que nous verrons d’autres scandales internes être dévoilés sur l’année, et que tout cela amènera à une profonde et durable remise en question des acteurs du domaine.
Les agences vont devoir allier très rapidement data, intelligence artificielle et créativité, sous peine de reprendre des années de retard.
Créativement ensuite. Historiquement, les agences étaient au cœur des processus créatifs et stratégiques. En parallèle, je me souviens il y a 10 ans des entreprises qui tentaient avec peine de faire participer les internautes : concours vidéo, concours photo... Le nombre de participants était faible, et les résultats décevants. 10 ans plus tard, les applications de création et les options offertes par les réseaux sociaux se multiplient. TikTok en est un bon exemple, avec son éditeur très avancé. Concernant les créatifs, plus besoin d’être une star d’agence pour être reconnu : le rappeur Jul a par exemple lancé en ligne un appel à création pour la cover de son avant dernier album, et c’est un étudiant “inconnu” en graphisme qui a gagné. Aujourd’hui, la profusion de contenus très créatifs est importante, et en 2021, les agences et leurs clients devront mobiliser des capacités plus fortes, notamment sur les réseaux sociaux, et favoriser la qualité et la pertinence, à la quantité. De plus, les agences vont devoir allier très rapidement data, intelligence artificielle et créativité, sous peine de reprendre des années de retard.
Et enfin, le modèle économique. J’écoutais récemment un podcast où Benjamin Dessagne, un de mes anciens collègues, exprimait sa vision sur la réalité actuelle des grandes agences : des agences créatives qui vivent sur leur gloire passée, des honoraires disproportionnés par rapport aux prestations rendues, des annonceurs qui cherchent du “sur-mesure”, de l’écoute, une relation plus directe, et qui ne trouvent plus de réponse convaincante du côté des agences traditionnelles
Beaucoup d’éléments expliquent à mon sens les difficultés actuelles des agences :
- Des honoraires reposant grandement sur la production (qui peut être internalisée par les annonceurs) et pas sur du conseil (que l’on peut vendre plus cher et qui est plus difficilement remplaçable) ;
- Des problèmes de management, de processus, de compréhension des outils et des nouvelles pratiques ;
- Des concurrents hyper spécialisés (social media, data, SEO, jeux vidéo, UX, luxe…) qui fournissent souvent un meilleur service à coût équivalent ou moindre (et qui bousculent des agences généralistes qui apprennent généralement sur le tas, plutôt que d’anticiper) ;
- Des cabinets conseils qui ont commencé à internaliser des ressources créatives et qui parlent à des interlocuteurs plus haut placés ;
- Des annonceurs qui ont l’habitude d’interroger 10 agences, tout en réduisant les budgets ;
- Des annonceurs qui créent leurs agences intégrées ;
- Des annonceurs qui ont dorénavant un accès facilité à l’achat média en direct ;
- Une armée de freelances qui grignotent un par un les marges des agences traditionnelles...
Tout cela donne le tournis tellement les dangers pour les agences traditionnelles sont nombreux. En 2021, elles devront accepter de vraiment investir dans leur transformation, en mettant leur ego de côté. Sans cela, elles se feront dévorer par des acteurs plus agiles, plus créatifs, et surtout plus en phase avec les besoins des marques et grandes entreprises.
Pour faire face à cela, voici mes quelques conseils :
Refondre la culture et se séparer des éléments toxiques.
Miser sur le temps de cerveau, pas uniquement sur la production.
Mieux traiter les équipes, et les clients (symétrie des attentions).
Mettre au point des modèles de revenus additionnels.
Travailler en écosystème avec les cabinets de conseil, les agences spécialisées, les freelances, les médias, les ressources internes des clients...
Former, former, former.
Tester, tester, tester.
En clair, Adapt or Die !
”
Retrouvez le point de vue de Mathieu Flaig avec 34 autres spécialistes dans le Guide Tendances 2021 en Social Media et Marketing.
Le Guide Tendance 2021 en Social Media, Digital et Marketing
Ecrit par Christophe Asselin
Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.