France : un contexte de défiance propice au “fake news”, sur les médias sociaux notamment
👉 Sur le même sujet :
Vaccins et Covid : les Fake News les plus fréquentes sur les médias sociaux en France
Fake news : 40 ressources essentielles pour les cerner et lutter contre
Fake News : Une typologie des infox et autres fausses informations sur les médias sociaux
52% des Français sont d’accord pour dire que les médias qu’ils utilisent sont "contaminés par des informations non fiables" (3). Pourquoi dans notre pays le développement des fake news est-il favorisé ? Un contexte de défiance généralisé envers les institutions, une faible confiance dans les médias d’actualités par rapport aux autres pays, des réseaux sociaux comme source principale d'information constituent une partie des facteurs d’explication. Dans le cadre de la sortie de notre nouveau guide, "Fake News" Comment détecter et lutter contre la désinformation sur les médias sociaux, nous nous sommes intéressés à ce qui peut favoriser la propagation des “fake news” en France.
Guide: "Fake news", Comment détecter et lutter contre la désinformation sur les médias sociaux
I. Un contexte de défiance généralisé envers les médias et les institutions, propice aux “fake news”
La pandémie et la crise sanitaire actuelle s'accompagnent d’une épidémie de fausses informations sur le virus, les traitements, les statistiques, les vaccins…que l’ONU a qualifié d’Infodémie (1). Si le phénomène a pris une ampleur inégalée avec cette crise, cette multiplication des “fake news” s’est enclenchée bien avant la crise, compte tenu de facteurs qui les ont favorisés.
A l'extrême, certaines “fake news” peuvent tuer : Environ 800 personnes sont mortes suite à une fausse information selon laquelle la consommation d'alcool hautement concentré peut désinfecter le corps et tuer le virus”, diffusée au premier trimestre 2020 (2). L'impact peut donc être dramatique.
La France fait partie des pays qui font le moins confiance aux institutions (ONGs, entreprises, gouvernement et médias)
Dans le monde, la France fait partie des pays qui font le moins confiance aux institutions (ONGs, entreprises, gouvernement et médias) (3).
La confiance des Français dans les quatre institutions se maintient à un faible niveau : elle gagne tout juste un point entre 2019 et 2020 en passant de 44 % à 45 %. Les médias (37% de confiance) et le gouvernement (35%) sont les institutions qui suscitent le plus de défiance.
Confiance dans les institutions en France : un grand écart entre public informé et "mass population" (Edelman)
Mais la vision des institutions est très différente au sein même de la population française :
D’un côté, le "public le plus informé" qui affiche un taux de confiance de 63 % envers les institutions (confiance dans 2 des quatres institutions) et de l’autre, une "Mass Population" qui exprime une réelle défiance envers les 4 institutions (seulement 42 % de confiance) selon le baromètre Edelman pour la France, ci-dessus (3).
Une faible confiance dans les médias d'actualité en France par rapport aux autres pays
La proportion de personnes qui font globalement confiance aux médias d'actualité en France est la plus basse en Europe (23%, -1 par rapport à l’année dernière) et l’avant dernière dans le monde (devant la Corée du sud)...Tandis que les médias publics comme FranceTélévisions et FranceInfo sont estimés comme les plus fiables, BFMTV par exemple affiche un fort niveau de défiance (34%). C’est ce que révèle le Digital News Report (4).
Proportion de la population qui pense pouvoir faire confiance à l'actualité la plupart du temps : la France avant-dernière
(Reuters Institute for the Study of Journalism)
Dans le monde, la confiance globale dans l’actualité a baissé de 4% par rapport à l’année dernière pour atteindre 38%.
Le baromètre Edelman de 2021 (4b) sur la confiance en France précise le niveau très inquiétant de défiance des Français envers les médias à travers l'adhésion à 3 affirmations : En majoritéLes médias sont perçus comme partisans et biaisés. Ainsi, pour 61% des Français, "les médias ne sont pas suffisamment objectifs et ne font pas preuve d’impartialité".
Les médias sont perçus comme partisans et biaisés. Edelman Trust Barometer France 2021
II. Une confiance faible envers l'information sur internet mais un canal de plus en plus utilisé par les plus jeunes
Côté supports, seuls 46% des français ont confiance dans les informations relatées dans le journal.
C’est même 40% pour la télévision seulement. La radio reste le média avec le plus fort taux de confiance (50%).
Toutefois la confiance envers les médias traditionnels a légèrement augmenté par rapport à l’année dernière (+2% pour la presse écrite et + 2% pour la télévision par rapport à l’année dernière); mais la confiance dans les informations publiées sur internet, du fait du discrédit envers les réseaux sociaux baisse de 25% à 23% (5).
Et c’est là le paradoxe et l’un des “nœuds” du problème : si l’internet est le média qui suscite la confiance la plus faible, les nouvelles générations s’informent de plus en plus par ce biais, nous le verrons ensuite.
En tant que média d'information,
internet recueille le plus faible taux de confiance : 23%
Qui sont ces Français sceptiques face aux médias ?
L'institut YouGov a réalisé une étude sur ces profils de Français qui ne font plus confiance aux médias (6). 50% de ces personnes sont des hommes de plus de 35 ans, 17% déclarent qu’aucun canal de communication n’attire leur attention, 14% déclarent ne pas regarder la télévision. 52% utilisent internet comme source principale d’information. 20% sont diplômés du second ou troisième cycle universitaire. Ils lisent significativement plus (que la moyenne des Français) Marianne, Valeurs Actuelles ou Le Canard Enchaîné.
III. Des usages d’accès à l’information très différents selon l’âge
Si les Français continuent d’accéder prioritairement à l’information par la télévision (48% dont 65% des plus âgés) et internet (32%), on observe une rupture très nette entre les moins de 35 ans qui s’informent majoritairement via internet (61%) et les plus de 35 ans pour qui la télévision reste le premier moyen d’information (56%).
L’écart est encore plus grand chez les 18-24 ans qui s’informent à 75% par internet (5).
Baromètre Kantar Sofres pour La Croix - janvier 2020 : Des usages d’accès à l’information très différents selon l’âge
Les réseaux sociaux gagnent sans cesse du terrain comme source d’accès à l’information
Les médias traditionnels, et plus particulièrement la télévision, sont de moins en moins des références en matière d’information. C'est ce que nous explique le Baromètre Kantar-La Croix sur la confiance dans les médias (5).
C’est particulièrement vrai chez les jeunes de 18-24 ans, qui s’informent à 18 % par la télévision et à 75 % par Internet, en privilégiant les réseaux sociaux (40% des usages sur Internet des moins de 35 ans, 45% pour les 18-24 ans).
Quels réseaux sociaux sont utilisés pour accéder à l'information ?
En France, Facebook arrive en tête des médias sociaux utilisés comme source d’information pour l’actualité (4) avec 43% d’utilisation, devant YouTube (23%) et Facebook Messenger (12%). A noter que Instagram et WhatsApp progressent tous deux comme source d’accès à l'information avec 9% chacun (+1 par rapport à l’année dernière). Signalons enfin que 4 des médias sociaux les plus utilisés pour accéder à l'information appartiennent au Groupe Facebook.
Les médias sociaux utilisés pour accéder à l'information, en France - Reuters Institute for the Study of Journalism
IV. Fake News : les facteurs propices à la diffusion et à l'adhésion
Quels sont les facteurs propices à la diffusion de fausses informations et à une adhésion fréquente par la population ? Nous avons voulu déterminer les critères de comportement les plus fréquents pour les émetteurs, les partageurs et les types d’informations diffusés et commentées, à l'origine ou favorisant les fake news, sur la base d’une analyse de 92 400 messages, sur les médias sociaux, d'internautes adhérents à des fake news liées à la crise Covid – octobre-décembre 2020 – via notre outil Digimind Social.
Voici une synthèse en termes de profils des récepteurs-rediffuseurs et en termes de nature des informations partagées (7).
Parmi les profils, on note souvent des messages faisant référence à une défiance envers les autorités gouvernementales et scientifiques, envers les médias mais aussi une très forte confiance dans son propre jugement.
Quant à la nature des informations à l'origine des fake news, on remarque souvent une confusion entre faits et opinions, une multipllicité des prises de positions des autorités faisant naître le doute, ou encore une complexité des faits qui conduit à leur déformation via une simplification trop poussée.
Fake News : les facteurs propices à la diffusion et à l'adhésion
Guide: "Fake news", Comment détecter et lutter contre la désinformation sur les médias sociaux
Sources :
-
UN tackles ‘infodemic’ of misinformation and cybercrime in COVID-19 crisis https://www.un.org/en/un-coronavirus-communications-team/un-tackling-%E2%80%98infodemic%E2%80%99-misinformation-and-cybercrime-covid-19
-
"Hundreds dead" because of Covid-19 misinformation https://www.bbc.com/news/world-53755067
-
Edelman Trust Barometer 2020. France
-
Reuters Institute for the Study of Journalism / Digital News Report 2020
- Edelman Trust Barometer 2021. France
-
Baromètre de la confiance des Français dans les médias de La Croix- janvier 2020
-
Enquête YouGov : ces Français sceptiques face aux médias
-
Digimind 2020
Ecrit par Christophe Asselin
Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.