Surveiller et analyser l'e-réputation de vos marques - les Bonnes pratiques : la marque employeur
Les prises de paroles des employés ou futurs employés peuvent atteindre un volume conséquent et représenter, pour certaines marques, de 15 à 25% du volume de conversation global sur les réseaux sociaux selon les périodes de l’année !
Dans le billet précédent, nous avons parlé de bonnes pratiques consacrées au process de monitoring de votre e-réputation, aux parties prenantes, aux acteurs internes et aux drivers de réputation. Aujourd'hui, je vais notamment vous parler d'un driver d'e-réputation en fort développement : la marque employeur. J'aborderai aussi les sources, la sémantique et la nécessité de scénariser pour mieux anticiper.
6. Driver de e-réputation essentiel : la Marque employeur
Dans le précédent billet, nous avons parlé de la nécessité de cartographier tout vos drivers potentiels de réputation, tout ces facteurs qui vont contribuer à la fabrique de votre réputation. Un de ces drivers est la marque employeur : votre e-réputation est aussi dépendante des messages émis par vos employés actuels mais aussi futurs ! La marque employeur est en effet élaborée à partir de toutes les prises de paroles de vos parties prenantes internes, vos employés, dirigeants, managers, stagiaires, intérimaires concernant votre entreprise et ses produits. Mais des parties prenantes externes sont aussi moteurs dans ce processus de marque employeur : les candidats que vous allez recevoir et qui vont potentiellement ensuite témoigner sur leurs entretiens d'embauches sur les réseaux sociaux.
Le concept de marque employeur n'est pas nouveau. Ainsi, en 2011, Jean-Christophe Sciberras, président de l'association nationale des DRH expliquait à l'Express: "Les entreprises doivent tenir compte d'Internet pour leur marque-employeur. Avec l'essor du Web et des réseaux sociaux, les entreprises vont devoir être beaucoup plus vigilantes en interne sur les relations qu'elles entretiennent avec leurs collaborateurs et la qualité de leur politique de gestion des ressources humaines". Aujourd'hui, les conversations qui font la marque employeur sont en plein essor : Les chiffres (issues d'études Cegos-Linkedin-Cigref et TBWA corporate) collectés dans l'infographie ci-dessous par ParlonsRH, révèlent en 2015 une progression de...608 % en 2 ans des prises de paroles des employés à propos de leur entreprise sur les réseaux sociaux. Cette pratique concerne 1/3 des salariés.
Il est donc indispensable de prendre en compte cette pratique dans la gestion de votre e-réputation, et ce, à plusieurs niveaux :
-l'intégrer comme un driver à surveiller et analyser. C'est par exemple intégrer Instagram, LinkedIn et Glassdoor dans vos canaux d'expressions à monitorer
-la gérer sur le plan managérial, en termes de bonne conduite, sensibilisation et formation des employés à cette prise de parole, à ses opportunités et risques. C'est le rôle des chartes notamment, que nous verrons un peu plus loin.
- l'intégrer comme axe de communication, sur les réseaux sociaux notamment. Mais pas selon les codes d'une communication Corporate. Ainsi, quand Carrefour relate la visite de la chanteuse Mariah Carey dans un de ses magasins, l'enseigne y associe les employés, photos à l’appui. C'est différent de la réponse de Franprix qui évoque une autre visite de star, Adriana Karembeu, qui elle, est seule sur la photo tirée...d'un site People.
Les prises de paroles des employés ou futurs employés peuvent atteindre un volume conséquent et représenter, pour certaines marques, de 15 à 25% du volume de conversation global sur les réseaux sociaux selon les périodes de l’année !
7. Cartographiez vos sources et canaux d'expressions potentiels
Nous avons déjà parlé de cartographies dans le billet précédent à propos des parties prenantes et des drivers. Pour mener à bien votre Social media monitoring et votre projet de veille e-réputation, il convient aussi de bien définir les sources spécifiques à surveiller en particulier ainsi que les canaux d'expressions.
Les sources spécifiques : Quels sont les sites web, blogs sépcifiques à votre secteur qui peuvent comporter des prises de paroles potentielles et articles de vos parties prenantes ? Les lister et les organiser est indispensable. Bien entendu, vous pouvez lancer une surveillance sur les réseaux sociaux concernant le nom de vos marques et produits. Mais surveiller directement des sources web spécifiques à votre secteur et vos parties prenantes présente des avantages déterminants :
- vous anticipez des tweets ou posts sur les médias sociaux qui ne seraient que la reprise d'un message publié d'abord sur la source initiale que vous surveillez,
- vous captez des messages qui parlent de vous...sans citer votre nom. Exemples : un blog d'activistes connus pour opérer dans les magasins de votre marque, qui évoque "une action d'envergure la semaine prochaine ", ou des commentaires sur une page Facebook d'un de vos concurrent dans l'univers des télécoms : "je vais m'abonner chez votre concurrent bien moins cher !".
Les canaux d'expressions de vos parties prenantes : sur quels médias web vos parties prenantes (clients, ONGs, partenaires, concurrents...) s'expriment-ils ? L'infographie ci-dessous peut vous aider : elle affiche les réseaux sociaux leaders au 3ème trimestre 2016. Mais ces réseaux sociaux peuvent s'avérer insuffisants en tant que canaux à monitorer pour évaluer votre e-réputation : en effet, si votre secteur concerne la santé et la pharma, les jeux vidéos, l'assurance ou les voitures d'occasion, se focaliser sur les seuls réseaux sociaux risque de vous faire rater 60 à 90% des conversations sur vos marques et produits ! En effet, dans ces secteurs, et bien d'autres, l'essentiel des prises de paroles a lieu sur les bons vieux forums ou sur les sites d'avis Consommateurs comme Trip Advisor, Yelp, Opinion Assurances....
8. Explorez l'environnement sémantique de vos marques et produits
Derrière ce terme un peu pompeux et savant de sémantique se cachent…tous les mots qui vont définir votre activité, votre secteur et être utilisés par les professionnels de votre secteur mais pas seulement ! Comment, dans la rue et sur le web désigne-t-on votre métier, ses produits, ses marques, ses services ? En effet, lorsque vous débutez un travail de veille de votre réputation digitale, la démarche préalable est d'identifier tous les mots clés qui vont être employés par vos salariés, vos concurrents, les journalistes, et surtout par vos clients, prospects et par l'internaute lambda. Cet internaute parle de vous avec son propre langage : les mots que vous connaissez mais aussi les concepts liés, les synonymes, le langage courant, familier, abrégé, argotique, de type SMS…langage qui peut-être différent de celui que vous employez au quotidien. La perception des écarts entre vocabulaire professionnel et vocabulaire client-internaute n'est pas forcément évidente.
Votre prospect, qui recherche une voiture à louer, parle-t-il davantage de véhicule ou de berline ?
Vos assurés évoquent -il plutôt une “Assurance santé” comme il est spécifié dans vos titres de pages web ou de “mutuelle" ? Que cela soit lors d'une démarche de veille e-réputation ou dans une optique de présence sur le web, il est nécessaire pour l'entreprise et ses marques de surveiller ou de se positionner sur les différents mots utilisés par tout ses publics cibles, sous peine de :
- rendre "invisible" votre site web
- ne pas capter les messages de vos clients, prospects et concurrents
En schématisant, on peut obtenir des résultats d'analyse de votre réputation faussées par des carences en termes d'expressions, en ne captant uniquement des avis positifs autour des mots "Assurance Santé", les avis négatifs étant associés à "Mutuelle", que l'on ne surveille pas.
9. Scénarisez pour mieux anticiper
Votre process de veille e-réputation et Social media monitoring concerne aussi vos propres prises de paroles au nom de votre marque, sur le Owned Media. Les conversations avec les internautes peuvent emprunter des chemins divers: elles peuvent être courtes, aller directement à l'essentiel, sur des éléments factuels, ou être longues et nécessiter beaucoup d'arguments, de ressources et de prises de positions.
L'engagement, c'est prendre la parole au nom de votre organisation. Pour anticiper et répondre au mieux à chaque type de situation, il va donc falloir imaginer et écrire des process et scénarii.
- les process concernent l'organisation des équipes qui vont être à la manœuvre ainsi que la définition du workflow de messages : qui est le plus compétent pour traiter les messages sur Facebook et Twitter concernant notre nouveau produit, à quels horaires, quels sont les critères d'attribution des messages aux collègues Kevin, Claire et Céline, comment noter le degré d'urgence d'un message, qui est en relation avec le service relation client etc...
- les scenarii d'engagement schématisent les différents types de réponses possibles ainsi que les objections avec les solutions à apporter et les accès à différents documents internes ou interlocuteurs permettant de préciser les réponses : fichier client, répertoire de contacts internes à l'entreprise, liste des réponses aux FAQs etc...Ces scénarii doivent aussi prévoir le transfert de la relation vers d'autre canaux plus adéquats en fonction du type de conversation et de la personnalité de l'internaute.
Les déroulements des scénarii vont souvent s'apparenter à ceux que l'on trouve au sein des plateformes de centre d'appel téléphonique en CRM. 2 grands types de démarches de Social CRM (Relation Client via les canaux de conversation web) vont coexister :
- Des démarches de relation client pures : réponse à une question, à un problème d'abonnement, de livraison.
- Des démarches de prises de parole proactives (non liées à un contact de la marque par le client): Prise de parole au sein d'une conversation Client relative à un produit de la marque, identifiée via des outils de social media monitoring, Prise de parole au sein d'une conversation de prospects, ayant trait à des produits de la marque ou à des produits concurrents, là aussi identifiée via des logiciels ou un process de veille e-réputation
Certaines entreprises ont élaboré des schémas de réponse sur les réseaux sociaux parfois simples, parfois plus complexes. Ces scénarii sont établis selon des critères comme :
-le statut : satisfait, non satisfait, clients, prospects
-la posture sur internet : le cas du Troll, du Hater
-les objectifs et les valeurs: Dialoguer de manière transparente au nom de la société, selon une tonalité positive, en citant ses sources si nécessaire, en prenant le temps de construire des réponses solides, en se focalisant en priorité sur telle ou telle cible.
Ce dernier point montre que les scénarii d'engagement doivent eux aussi refléter l'image de la société et respecter ses lignes éditoriales, ce qui implique d'élaborer ces schémas en collaboration étroite avec les services Communication et Relation Client notamment.
10. Sensibilisez à la réputation
Les process sont inutiles si les salariés ne sont pas sensibilisés aux enjeux majeurs de l'e-réputation et des prises de paroles sur les médias sociaux. Il ne s'agit pas seulement d'encadrer les expressions liées à la "marque employeur" mais aussi de penser à tout ce qui peut contribuer à la réputation de votre entreprise.
Les chartes d'utilisation des réseaux sociaux
Elles se sont développées ces 10 dernières années : d'une simple page web à des documents plus élaborés détaillant des cas d'utilisation divers, elles guident les employés dans leur usage des réseaux sociaux dans le cadre de l'entreprise et en dehors avec des conseils ou des injonctions sur ce qu'ils peuvent faire ou non. Les chartes peuvent être coercitives (vous n'avez pas le droit de prendre la parole au nom de votre marque en dehors des cas xxx ) ou incitatives (si vous citez vote entreprise, veillez à : x,y,z). Elles concernent donc : Les domaines où les salariés peuvent s'exprimer sur leur entreprise, les limites à ne pas franchir, les domaines interdits ou réservés à des personnes bien définies. En 2014, le spécialiste du recrutement Robert Half estimait que 57 % des entreprises en France ne disposaient pas de telles chartes.
Les chartes de réputation
Plus rares, ces documents visent à sensibiliser sur certains facteurs (management, communication, organisation) qui peuvent contribuer à une réputation négative. Ils proposent des bonnes pratiques pour générer des opportunités. Ils listent des cas pratiques et proposent des scenarii de comportements et d’attitudes pour éviter une propagation sur les réseaux sociaux.
Exemples:
-afficher dans un magasin ou une agence, une note à destination des clients, sensible dans la forme ou dans le fond (aborde des problèmes liés à l'éthique, à la politique, à la religion etc...) présente un risque fort de diffusion sur les réseaux sociaux.
- transmettre ou rendre facilement accessibles des documents en interne (Word, videos, photos) qui, si ils sont vus par une personne externe à l'entreprise peuvent gravement nuire à la réputation de l'organisation.
Les chartes ne sont toutefois pas forcément la solution à une bonne sensibilisation :
Elles sont trop peu souvent mises à jour et sont régulièrement transmises sans formation ou explications aux collaborateurs. La sensibilisation doit en effet dans l'idéal reposer sur des formations proposant des cas pratiques et mises en situations.
On voit donc que le process de Social media monitoring à imaginer dans le cadre d'une démarche de réputation digitale va bien au-delà de la simple définition de la collecte et de l'analyse de contenus et messages du web : il faut aussi penser Acteurs, Organisation et Comportement !
Ecrit par Christophe Asselin
Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.