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Christophe Asselin - févr. 1, 2021

[Tendances 2021] Minimalisme marketing : facile à imaginer, difficile à appliquer

Aurélien GohierEuroWest Senior Digital Manager, Dassault Systèmes, nous propose de réfléchir à un marketing minimaliste, à l’opposé d'une course au volume et à la surcharge de contenu…Il s’appuie notamment sur une analyse de contenus postés sur des chaînes YouTube en B2C et B2B. Un article écrit dans le cadre du nouveau Guide des tendances 2021 en digital, marketing & social média qui compile les points de vue, articles et analyses de 35 spécialistes.

 

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Aurelien Gohier C'est plus fort que nous : nous avons du mal à dissocier l'idée d'un marketing efficace et celle d'une inondation de contenus de marque sur tous les canaux possibles. D'ailleurs, la discipline telle qu'elle était enseignée il y a 10 ans dans les écoles de commerce ou de digital promouvait l'idée suivante : votre marque doit devenir omniprésente aux yeux des personnes que vous voulez toucher, sur tous les canaux possibles, dans le métro comme sur leur site web préféré, à la radio. Partout, tant que vous en avez les moyens et que vous parvenez à entrer dans le cerveau de votre « cible », terme si symptomatique des biais du marketing actuel.

 

La crise Covid-19 n'a qu'exacerbé ce phénomène. Toutes ces entreprises, effrayées (à juste titre...) par l'inattendu des mois à venir, ont mis les bouchées doubles dans la production de contenus, le lancement de campagnes « coup de poing » d'acquisition, la création de podcasts, de webinaires. Bon sang que de webinaires... Mais dans le fond, cette course au volume et cette fâcheuse tendance à surcharger le réseau de contenu est culturelle, depuis les prémices du marketing dans les années 50. 


Ce qui freine la transition vers un marketing plus responsable, c'est que spammer ça fonctionne, malheureusement. Les études montrent qu'inonder d'emails vos prospects et vos clients permet effectivement d'impacter votre chiffre d'affaires. Tout comme les techniques de growth hacking. Si on se cantonne au ROI court et moyen termes, être agressif en ligne ça marche ! Souci anecdotique cependant : ces techniques rompent totalement le lien de confiance entre votre entreprise et ses clients. Quand je faisais du porte-à-porte en Australie pour un opérateur télécom, sous 40 degrés, accoutré d'un costume premier prix, je savais que sur 100 foyers démarchés j'allais signer entre deux et quatre contrats par jour, grâce aux techniques de « vente à l'affectif » qu'on m'avait enseignées en amont. Je ne vous fais pas l'affront de vous expliquer l'impact terrible de ces pratiques sur l'image de la marque concernée et sur mon amour propre par la même occasion.

 

 

Mon métier consiste à générer de l'attractivité autour des secteurs scientifiques, numériques, virtuels et industriels. Et donc à accélérer des échanges commerciaux entre organisations, entreprises, pouvoirs publics, entreprises technologiques. 90 % de B2B donc.

 

Pour illustrer comment cette culture du spam a déteint sur le marketing B2B / B2B2C, je voudrais vous partager une petite étude que j'ai menée l'année dernière. En analysant une trentaine de chaînes YouTube d'acteurs du retail, de l'industrie, du luxe, du numérique, de l'énergie, j'ai découvert un phénomène que j'appelle le « paradoxe du glamour » : 

  • D'une part, ce sont les marques qui éprouvent le moins de difficultés à être attractives auprès de leurs audiences (marques naturellement « sexy ») qui investissent le plus dans la qualité des vidéos produites, 

D'autre part, les marques actives en B2B principalement ont la fâcheuse tendance à compenser la qualité des vidéos par le volume de vidéos produites. 

 

 

Le marketing minimaliste a deux alliés majeurs,  bien au-delà du sujet du contenu : les courants du marketing responsable et du marketing émotionnel...

 

 

Sur ces trente chaînes YouTube, la tangente extrême que j'ai trouvée, c'est une chaîne contenant 3000 vidéos pour 900 abonnés et une autre contenant 57 vidéos pour 870 000 abonnées. Je vous laisse imaginer laquelle appartenait à un acteur du B2B. Alors oui, on n'a vu plus scientifique comme démarche, mais ce phénomène est tout à fait révélateur de ce qui sépare les mondes du B2C et du B2B(2C) en 2020, tant en termes de maturité que de modernité marketing. 

 

Aussi, l'opposition permanente entre « awareness » et « lead generation » ne fait qu'alimenter ce phénomène court-termiste qui touche beaucoup d'entreprises. Dans une récente intervention pour l'ISEG, Grégory Pouy, expert du marketing responsable, l'explique très bien : « Beaucoup de marketeurs parcourent les conférences pour savoir comment mener des opérations de growth, pour pouvoir mesurer l'effet chiffré de leur stratégie marketing et le présenter comme critère de succès. » À l'exception près que la mesure des opérations de growth ne prend en compte, dans la vaste majorité des cas, que le ROI financier court-moyen terme, omettant la considération cruciale des trois autres types de ROI existants: financier long terme, non-financier court-moyen terme et non-financier long terme. Résultat : une destruction de l'image de marque et de la relation de confiance avec les clients et clients potentiels, dont les conséquences sont d'autant plus terribles dans des secteurs ou l'achat d'impulsion est absent du paradigme commercial.


Par chance, le marketing minimaliste que je défends a deux alliés majeurs,  bien au-delà du sujet du contenu : les courants du marketing responsable et du marketing émotionnel, dont les patrons respectifs sont, en France, Grégory Pouy et Patrice
Laubignat. Leur point commun : une priorisation réelle du client, de l'éthique, de l'empathie et plus généralement des émotions humaines. Je refuse de les paraphraser, je vous invite donc à aller les lire, tout simplement. 


Je n’ai pas de recette à proposer. On parle ici d’une véritable transformation de notre manière d’aborder le marketing. Mais quelques leviers sont activables immédiatement : divisez par deux votre nombre de campagnes, augmentez leur qualité par trois. Les enjeux associés à la pollution numérique nous obligeront à réduire la voilure dans tous les cas. Autant commencer maintenant. 


Faites un pas supplémentaire vers le développement business. En temps de crise, tout le monde doit vendre. Utilisez votre maîtrise des réseaux sociaux, de l'écriture, des formats vidéo et audio pour devenir de vrais ambassadeurs. Demandez à votre direction commerciale quelles entreprises elle éprouve des difficultés à toucher. Construisez une ligne éditoriale qui raconte l'histoire de ces entreprises avec qui vous souhaitez engager la conversation sous cette casquette d'influenceur. En somme, développez une stratégie à mi-chemin entre ABM et influence, qui, développée à l'échelle de l'entreprise, peut s'avérer extrêmement puissante. 

 

Il n'est pas simple de briser le cercle vicieux d'un marketing qui ne séduit plus. Ce marketing cacophonique, qui déploie trop d'énergie à vouloir occuper l'espace et trop peu à mettre en place une excellence expérientielle reconnue. « La créativité est une capacité à trouver une façon élégante de relever un challenge » disait Paul Holmes. Nous savons ce que nous avons à faire : nous tourner vers le design, le vrai, qui représente une opportunité de réinventer le marketing, de lui donner chaque jourplus de sens et (pourquoi pas) une nouvelle appellation.

Aurélien est également fondateur de BtoB Marketing & Sales et éditeur de la newsletter indépendante #Industry4Good®

 

Retrouvez l’article d’Aurélien Gohier avec 34 autres experts dans le Guide Tendances 2021 en Social Media et Marketing.

 

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Ecrit par Christophe Asselin

Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.