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Christophe Asselin - avr. 25, 2017

Hôtels et restaurants : l'enjeu TripAdvisor

Quel est l'enjeu TripAdvisor pour les marques ? Aujourd’hui, c’est d’abord en ligne que vous cherchez un restaurant sympa, ou chic, ou pas cher, ou tout ça à la fois. Et là, difficile – pour ne pas dire impossible – d’échapper à TripAdvisor. La plateforme d’avis et de conseils touristiques truste invariablement la première page de résultats Google. C’est un peu moins vrai pour les hôtels, du moins en France où les groupes hôteliers se sont mobilisés, à grands coups d’achats d’adwords, pour apparaître devant les deux principaux « super intermédiaires » de l’hébergement touristique : Airbnb et Booking.com.

Chiffre d'affaires total de TripAdvisor dans le monde de 2008 à 2015 (millions $)

 

graphique Source : Statista

 

Mobile First !

Ça, c’est vrai quand vous faites une recherche Google. Mais de très nombreux consommateurs ne passent plus jamais par là : ils téléchargent l’application TripAdvisor sur leur smartphone et, où qu’ils soient dans le monde, font leur choix parmi les établissements référencés sur la plateforme. Ceux qui n’y sont pas restent hors des écrans radar des utilisateurs. Et quand on voit sur Google Play que l’appli en question a été installée entre 100 millions et 500 millions de fois et que près d’un million d’utilisateurs ont pris la peine de donner leur avis sur son utilité, on comprend pourquoi les restaurateurs et les hôteliers peuvent difficilement faire comme si TripAdvisor n’existait pas…

note-tripodvisor

 

La rançon parfois amère de la visibilité

C’est très facile pour un établissement d’être présent sur TripAdvisor : il suffit de s’inscrire et c’est gratuit (voir ici). Dès que l’établissement est répertorié, il peut apparaître lors des recherches des internautes et mobinautes et faire l’objet de commentaires de leur part. C’est là que les difficultés commencent ! En effet, sur TripAdvisor, n’importe qui peut laisser un avis sur n’importe quel hôtel ou restaurant, même sans avoir jamais mis les pieds dans l’établissement. On vous demande bien d’indiquer quand vous vous y êtes rendu et de cocher une case pour certifier que vous dites vrai, mais comme il n’y a pas vraiment de contrôle, cela donne immanquablement lieu à des abus.

 

Dès la création de la plateforme et pratiquement dans tous les pays, des hôteliers ou des restaurateurs ont été victimes de « faux avis » de « faux clients » visant à ternir la réputation de leur(s) établissement(s). Ainsi mi-2016, 5 restaurants de Quimper ont été dénigrés par un commentateur malintentionné se cachant derrière le pseudo « Pedro Quimper ». Alerté, TripAvisor a rapidement retiré les avis qui contenaient des injures et des insultes à l’égard des personnes gérant l’établissement. En revanche, les autres commentaires n’ont pas été retirés, au motif que, selon TripAdvisor, « le propos est libre et subjectif ». Les restaurateurs ont porté plainte devant le procureur de la République de Quimper.


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Les tentations dangereuses

A l’inverse, profitant de la facilité qu’offre l’anonymat et de la faiblesse des contrôles sur la plateforme, certains établissements s’essaient régulièrement à gonfler leur note et leur visibilité sur TripAdvisor en rédigeant ou en faisant rédiger par des prestataires spécialisés des avis élogieux, tout aussi faux que les précédents… et tout aussi passibles de sanctions – de la part du site ou des autorités compétentes.
Ce petit jeu des faux avis – trop positifs ou excessivement négatifs – existe en effet sur de nombreux sites, sans parler d’autres pratiques douteuses comme la suppression des avis négatifs. En 2013, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) identifiait des anomalies visant à tromper le consommateur, plus ou moins délibérément, sur 45 % des sites recueillant des avis. On a beau le savoir, on n’en lit pas moins les avis. Et sur TripAdvisor, comme partout, à défaut de s’y fier réellement, on se laisse influencer par une note élevée. Entre un restaurant noté 3,5/5 et un noté 5/5, il est rare qu’on tranche en faveur du premier…

Il existe bien une norme de qualité en France pour les sites d’avis de consommateurs : elle porte le joli nom de NF Z 74-501, et TripAdvisor a même participé à son élaboration. Mais il s’agit d’une démarche de certification volontaire, et non d’une loi, et TripAdvisor ne semble pas avoir l’intention de se plier à l’exercice. Les choses pourraient changer puisqu’en septembre 2016, un article spécifique (L. 111-7-2) a été ajouté au Code de la consommation. Mais, sauf si nous sommes passés à côté, les décrets d’application n’ont pas encore été publiés.

 

L’enjeu TripAdvisor central : la réservation directe

Noter les établissements en se fondant sur les avis et commentaires des consommateurs, telle était la vocation initiale de TripAdvisor. La montée en puissance de la plateforme fait qu’elle est devenue incontournable : ne pas être sur TripAdvisor, c’est être « invisible », ce qui pour les établissements indépendants équivaut quasiment à un arrêt de mort. C’est d’autant plus vrai que TripAdvisor n’est plus seulement un site d’avis et de conseil, mais un apporteur de business pour les établissements – moyennant commission, évidemment.
Ainsi, depuis fin avril 2016, les principaux groupes hôteliers sont devenus partenaires de TripAdvisor en France, dont Accor, Marriott, Starwood, Hyatt et Best Western. Cela signifie qu’il est possible de réserver dans un hôtel de ces groupes directement à partir du site ou de l’appli TripAdvisor. Idem pour tous les hébergements affiliés à Booking.com et autres plateformes de réservation. Autant dire que si vous êtes un hôtel indépendant et que vous n’êtes ni sur TripAdisor ni sur une de ces plateformes, votre visibilité online est pour le moins compromise….

 

offre-tripodvisor Source : Skift

 

Pour les restaurants, c’était déjà le cas depuis 2014 par l’intermédiaire de Lafourchette.com – solution qui est loin de faire l’unanimité dans la mesure où, pour bénéficier de ce service de réservation, il faut être affilié à Lafourchette.com qui appartient à… TripAdvisor ! Un service bien cher payé puisque Lafourchette.com demande aux restaurateurs des réductions allant jusqu’à 30 %, auxquelles s’ajoute la commission de 1 à 2 euros par couvert reversée à TripAdvisor.

 

Malgré tout incontournable ?

Si les hôtels et restaurants indépendamment affiliés reconnaissent que TripAdvisor leur apporte des clients et du chiffre d’affaires, certains n’apprécient pas ses pratiques et le manque de transparence, et n’hésitent pas à les dénoncer. C’est ce qu’a fait le restaurateur parisien Xavier Denamur en mai 2016, sur Facebook, dans une vidéo qui a été vue des centaines de milliers de fois, likée par plus de 8000 personnes et partagée plus 4000 fois. Comme un certain nombre de ses confrères, TripAdvisor ne lui apporte rien parce que ses restaurants, non affiliés à Lafourchette.com, ne sont pas mis en avant.

 

Facebook-avis-Xavier Source : Page Facebook - Xavier Denamur

 

Le problème c’est qu’une fois sur TripAdvisor, il est apparemment impossible d’en sortir, si bien que, n’étant jamais à l’abri d’un commentaire injuste ou abusif, vous êtes obligé de garder un œil sur la plateforme si vous voulez défendre la réputation de votre établissement.
Alors que faire ? S’en remettre au bon vieux bouche-à-oreille ? Un choix risqué si on veut être visible des touristes qui cherchent où dîner dans une ville qu’ils ne connaissent pas. Un pari tout à fait tenable, en revanche, si l’on vise une clientèle de proximité et d’habitués – à condition d’être dans une grande ville et de fidéliser sa clientèle grâce à un accueil de qualité et à de bonnes prestations. Et au touriste qui pousserait la porte par hasard (car il y en a encore qui ne sont pas totalement pilotés par leur smartphone !), on offre en plus le sentiment délicieux d’avoir découvert par lui-même un bon plan, hors des sentiers battus…

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Ecrit par Christophe Asselin

Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Digimind. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques.