On parle souvent des bad buzz et des crises de réputation. On parle moins des impacts réels sur le chiffre d’affaires de l'organisme ou des entreprises concernées. Il existe pourtant des cas où l’entreprise subit un fort ralentissement de son chiffre d’affaires ou une chute de sa valorisation boursière, elle, bien visible, à la suite d’une atteinte à sa réputation.
Près de 25% des conséquences d’un bad buzz se traduisent en impact sur le business (chiffre d’affaires, retour produit, arrêt de projet) *. Chiffrer précisément l’impact de réputation sur les ventes reste un exercice difficile mais de plus en plus pratiqué par certains secteurs. Et cela vaut pour la réputation négative comme pour le gain de réputation positive. Ainsi, en 2014, Vivek Badrinath, directeur général adjoint du groupe Accor explique : "1 point sur TripAdvisor, c’est 10% de prix de chambre en plus pour un hôtel, c’est du vrai argent ces 10%, ce n’est pas juste une note pour faire beau, cela fait partie de la perception et de l’image de l’hôtel". En effet, certaines études, comme celle de l’Université de Cornwell ("The Impact of Social Media on Lodging Performance" de Chris Anderson) ont notamment évalué la corrélation entre 1 point gagné sur TripAdvisor et la possibilité de commercialiser une chambre 11% plus cher.
Certes, la chute de cours d’une action apparaît plus spectaculaire que quelques % gagnés grâce à une étoile mais le cas de la réputation appliqué aux prix de la chambre d'hôtel affine terriblement le degré de granularité d’analyse de l’impact de réputation.
Le chiffrage de l’impact d’une réputation négative diffusés au grand public est encore rare, qui plus est lorsqu’il s’agit de crises graves, qui vont bien au-delà des réseaux sociaux :
Toutefois, certains cas sont chiffrés et illustrent parfaitement les grands enjeux et mécanismes de la réputation et des médias sociaux. Voici 3 exemples :
L'histoire : Le 14 octobre 2016, le candidat - malheureux - à l’élection présidentielle américaine Bernie Sanders, publie un tweet où il s’en prend au laboratoire pharmaceutique Ariad. Ou du moins quelqu'un de son équipe écrit ce tweet, qui n’est pas signé d’un “B” comme tous les tweets que publie lui-même le candidat démocrate.
Le tweet explique : “La cupidité des labos est incroyable : Ariad a augmenté le prix d’un médicament contre la leucémie à presque 199 000 $ par an”. Ce tweet est assorti d’un article de Statnews.com mettant en cause cette pratique. On y apprend que l'entreprise est accusée d’avoir augmenté les tarifs de ce médicament de près de 27% soit donc presque 199 000 dollars l’année.
Résultat : Moins de 3 heures après la publication du tweet, le cours de bourse du laboratoire Ariad chute de 15%. Cette baisse représente un coût pour tous les investisseurs de plus de 350 millions d’euros. L’action ne retrouvera son niveau initial seulement...un mois plus tard, le 15 novembre.
Pourquoi : Nous sommes en pleine période électorale. Même si Bernie Sanders a perdu contre Hillary Clinton à l’investiture démocrate, son compte twitter reste très suivi : 2,66 millions de followers à l’époque, plus de 5 millions aujourd'hui.
Par ailleurs, son tweet touche à l’éthique, à la notion de cupidité, à la santé, à la maladie, bref à l’humain : ce type de sujet très sensible provoque toujours de vive réactions de la part du public.
Un tel effet d'une crise réputationnelle sur le cours de bourse n’est pas nouveau. Rappelez vous Abercrombie.
L'histoire : Rappelez-vous, le 13 mai 2013, sont ressortis des propos du PDG de la marque de vêtements Abercrombie and Fitch, tenus lors d'une interview de...2006 : Il y expliquait qu’il privilégiait les personnes à l’apparence physique séduisante pour ses publicités et ses vendeurs : "Dans nos magasins, nous voulons des clients minces et beaux."
Résultat : Les internautes sont furieux. Sur Facebook et Twitter, les classiques appels au boycott de la marque se multiplient et certaines démarches et messages, plus originaux, sont massivement vus et relayés. C’est le cas de la vidéo de Greg Karber, plus de 7 millions de vues sur YouTube à l’époque, qui propose aux internautes de donner leurs vêtements Abercrombie & Fitch aux sans abris.
Le 24 mai, la marque annonce une baisse de ses ventes de 15%. S’ensuit une baisse du cours de bourse de 10 points jusqu’au 24 juin. Il est plus difficile ici d’établir la directe corrélation et la part de la crise de réputation sur la baisse du cours de bourse durant ces 30 jours. Mais ce qui est sûr, c’est que l’image d’A&F s’est fortement dégradée et l’action, depuis 4 ans, n’a jamais retrouvé son niveau de mai 2013 précédent ce bad buzz.
Pourquoi : La décision de la marque discrimine sur l’apparence physique et touche notamment, qui plus est aux USA, un point sensible de santé publique, le surpoids. La discrimination volontaire, comme argument marketing complètement assumé provoque forcément des réactions de colère et de protestation. Pour ajouter encore au malaise, notons que le PDG s’en prend non pas aux “gros” mais aux “femmes grosses” : le message est donc à la fois discriminant et sexiste puisque les hommes continuent à bénéficier des grandes tailles dans les magasins de la marque.
L'histoire : Le 9 avril, un passager d’un avion United Airlines (vol United 3411 devant décoller de l'aéroport Chicago O’Hare) est expulsé violemment par les services de sécurité. Le passager, tiré au sort pour quitter l’avion surbooké refuse en effet d'obtempérer. Mais la scène est filmée et photographiée par plusieurs passagers qui la publient immédiatement sur les réseaux sociaux. On y voit un homme en train de crier alors que des agents de sécurité l'extraient de son siège. Une des vidéos montre l’homme à terre, saignant à la bouche, en train d’être tiré par les mains dans le couloir. L’avion décollera finalement avec 3 heures de retard, sans le passager en question.
Résultat : Les internautes sont massivement indignés et le volume de réactions est très important. Plus de 1,7 millions de messages sur les médias sociaux (dont 85% sur Twitter), c’est 32 fois le volume habituel de mentions sur la compagnie: c’est hors norme, jamais un bad buzz qui dégénère en crise n’a généré autant de réaction ces dernières années. L’action United Airlines perd 4% le 11 avril alors que les photos et les vidéos continuent de faire le tour des réseaux sociaux dans le monde entier.
Les internautes appellent massivement au boycott à travers les hashtags #boycottunited, #unitedagainstunited, #flythefriendlyskies, #dontflyunited ou encore #boycottunitedairlines. Et les emojis "en colère" ou de consternation dominent largement au sein des messages. Autre emoji très présent : le rire aux larmes. Pourquoi ? Parce que les détournements qui moquent la compagnie sont nombreux et très repris. Si l'on considère, au-delà du nombre de mentions négatives, le nombre de messages "humoristiques" évoquant la crise comme un autre KPI important, on voit alors que cette crise United Airlines marque les esprits.
Pourquoi : 3 raisons principales font que le buzz est inédit en terme de volume
Et vous, quelles sont les bas buzz et crises de réputation assorties d'impacts chiffrés que vous connaissez ?
* Source : MMC Bad Buzz Barometer 2016