A l’ère des médias sociaux embarqués sur smartphone, comme autant de témoins mobiles, à l’époque des propagations et partages instantanés, du poids des influenceurs et des leaders d’opinion, de la viralité de certains sujets et contenus, de la polarisation des prises de parole, les discussions peuvent s'enflammer et se développer à travers les communautés, les frontières, et une crise de marque peut se répandre comme une traînée de poudre.
La manière dont votre marque réagit pendant et après une crise (et comment elle s’est y préparée bien sûr) peut contribuer à réparer ou au contraire nuire considérablement à votre réputation, digitale ou IRL à court et long terme. Surveiller de près des indicateurs tels que le volume de conversation au fil du temps, ainsi que la manière dont le sentiment de vos clients évolue tout au long de la crise est crucial pour aider les marques à calibrer leurs réponses en temps réel.
L’écoute des réseaux sociaux vous permet de détecter les signes avant-coureurs d’une crise potentielle (ou d’un petit bad buzz si vous avez plus de chance, mais vous ne le saurez pas à l’avance), de comprendre l’impact de la situation et de prendre les mesures nécessaires ciblées pour protéger et améliorer la réputation de votre marque.
En prenant l’exemple des crises auxquels certains entreprises ont été confrontées, nous considérerons trois paramètres cruciaux à examiner, pour suivre et gérer l’impact d’une crise sur la réputation de votre marque :
Un volume anormalement élevé de conversations autour de la votre marque (hors campagnes et opérations marketing évidemment) est un indice d’une crise imminente, d’un incident qui gagne du terrain ou d’un sujet qui suscite les discussions sur les médias sociaux.
Pour bien comprendre ce qui a déclenché ce pic inattendu dans les discussions et comment il a évolué au fil du temps, les spécialistes du marketing peuvent analyser différents facteurs :
United Airlines par exemple, avait connu des incidents majeurs ces dernières années qui avaient provoqué de nombreux débats en ligne. L’étude de ces crises passées de la compagnie aérienne est particulièrement instructive.
En surveillant alors les discussions autour de la compagnie aérienne en Février et Mars, nous avions identifié deux pics significatifs. Chacun a duré environ une semaine avant que les conversations finissent par disparaître.
Le premier pic peut correspondre à l’annonce faite par United Airlines (UA) le 24 février de mettre fin à son partenariat avec la National Rifle Association (NRA) en réponse aux appels croissants des défenseurs du contrôle des armes à feu à la suite de la fusillade en Floride plutôt au cours du mois. Cette initiative audacieuse de United Airlines avait été alors fortement contestée par les défenseurs des droits des armes à feu; les internautes ont trouvé hypocrite de la part de United Airlines de préconiser le contrôle des armes à feu tout en continuant à faire un don à Planned Parenthood, le plus grand regroupement de planification familiale en faveur de l’avortement aux Etats-Unis.
Dans les deux semaines qui ont suivi la crise de la NRA, 2 “incidents” sont venus ternir encore la réputation. Le 12 mars, un chien est mort lors d’un vol de la compagnie United Airlines, après qu’un membre d’équipage ait insisté pour le placer dans le compartiment à bagage. Une autre affaire impliquant un chien n’a fait qu’aggraver la réputation : le 14 mars, United Airlines avait envoyé par erreur un berger allemand normalement à destination du Kansas, au Japon. Les deux incidents ont provoqué l’indignation dans le monde entier.
On évoque en fait ici l’un des sujets les plus sensibles en gestion de crise, la potentielle cruauté envers les animaux (on en parle en paragraphe III plus bas).
Compte tenu de la courte période (16 jours) durant laquelle les deux crises se sont produites, il aurait été important que United Airlines surveille étroitement si les discussions de la première crise étaient encore tendancielles et détermine ainsi si le second pic était lié au premier incident afin que leur équipe de crise puisse répondre en conséquence. Dans le cas de la crise concernant le chien, l’incident s’est produit le 12 mars mais a été rapporté par les chaînes d'information un jour plus tard, provoquant une hausse des conversations liées à UA.
Avec des solutions de Social Media Listening comme Digimind Social, les marques peuvent pré-définir des alertes sur leur tableau de bord afin d'automatiser et ainsi prévoir des notifications dans de tels scénarios. Les notifications sont susceptibles d’être déclenchées par un événement en développement, par exemple, une alerte peut être configurée pour envoyer des notifications à l’équipe de communication en cas de détection de plus de 1000 messages par heure en global ou sur un sujet précis.
Mais il convient de ne pas s’attacher à la seule variable du volume de conversations. Pourquoi ? Pour ne pas sur-réagir ou au contraire sous-réagir. En effet, des entreprises régulièrement soumises à des critiques voire des crises doivent réagir avec parcimonie et justesse, et de manière proportionnée. Toutes les entreprises ne sont pas égales devant la réputation et les sentiments de leurs consommateurs. Par exemple, une marque de luxe est moins régulièrement exposée (on a pas dit “jamais”) qu’un opérateur de téléphone/internet, une chaîne de la grande distribution, une marque alimentaire et une compagnie aérienne.
Il faut donc regarder, sur votre tableau de bord de suivi de réputation et/ou de suivi de crise, à la fois 4 indicateurs : L’audience, le volume, le reach et les interactions.
En effet, quelques centaines de conversations négatives émanant de comptes peu influents (voire des bots) pourront avoir moins d’impact qu’une dizaine de messages émanant d’une poignée de comptes sociaux d’influenceurs, de médias importants, ou de leaders d’opinions. D’où l'intérêt de traduire tout volume de conversations en termes d’audience (les expositions cumulées aux messages sur différents supports) mais aussi de reach estimé (les personnes potentiellement exposées aux messages). Il faut également scruter les interactions autour d’un message, ou pendant une période donnée.
interactions et nombres d’émetteurs pour une compagnie aérienne
L’analyse des sentiments est essentielle pour déterminer si les pics de discussions liés à votre marque sont déclenchés par une campagne bien perçue, par une expérience client exceptionnelle devenue virale, ou par une plainte, des avis négatifs ou un incident que votre organisation doit rectifier ou pour laquelle elle doit communiquer.
Pour avoir une compréhension approfondie des sentiments envers la marque et de ce que cela signifie, vous devriez :
Pour bénéficier d’une vision plus holistique de la réputation de votre marque, vous pouvez également vous comparer à vos concurrents pour voir où vous en êtes réellement en termes de perception des consommateurs. Si votre marque est mal positionnée pour cet aspect, c'est un signe que la crise eu un impact négatif et votre équipe de relations publiques et communication devrait certainement réagir. Vous devez aussi segmenter et comparer les sentiments par dimensions produits ou services aussi précises que possible (exemple : accueil, temps d’attente, bagages, ponctualité, confort, nourriture etc..).
Les emojis sont employés massivement dans les posts et messages des médias sociaux (ainsi, Facebook avait annoncé une moyenne de plus de 5 milliards d’émojis envoyés chaque jour sur Messenger). Ils constituent un aspect crucial de la façon dont nous communiquons avec nos amis et parlons de différentes tendances et marques. Pour la Génération Z, c’est un aspect essentiel de commentaires sur les produits et les marques qu’il convient d’analyser.
Les émojis sont soumis à l’interprétation et ne sont donc pas aussi simples qu’ils peuvent le paraître. Par conséquent, vous ne devriez pas seulement regarder les meilleurs émojis utilisés mais aussi analyser comment ils sont utilisés. Ceci est important pour déterminer exactement comment les gens parlent de votre marque. Un emoji qui pleure de rire est positif pour certaines classes d'âges. Ainsi, un même emoji, selon les types d’émetteur et la situation commentée peuvent revêtir des sens différents.
Les emojis les plus influents lors de la deuxième crise de United Airlines ont été utilisés pour mettre l’accent sur les critiques adressés à la compagnie aérienne.
✔ Bien que l’emoji Tick (coche) ait habituellement une connotation positive, nous pouvons voir qu’il représente en réalité dans les messages de critiques toutes les cases cochées par UA dans ses échecs ✔✔✔ , y compris les fiascos passés impliquant l’éjection forcée d’un passager l’année précédente. Les internautes ont également utilisé ce symbole pour demander aux autres de partager leurs opinions négatives sur Twitter.
Pour anticiper une crise, ou une forte propagation, il faut considérer certains sujets à fort potentiel crisogène.
Exemples de sujets sensibles :
1. Tout ce qui est lié à l’éthique et plus globalement aux valeurs de gouvernance et d’engagement citoyen d’une organisation (entreprise, association administration) :
2. Les sujets liés à l’humain comme la santé ou la dignité humaine
3. Les questions relatives aux formes de discrimination : sexisme , racisme, religion
4. Des injustices, réelles ou non, perçues par les consommateurs
Si un dirigeant, un cadre ou une personnalité aborde l’un de ces sujets, attention, terrain glissant. Une seule phrase peut mettre le feu au poudre
C’est ce qui est arrivé à une entrepreneuse dirigeante d’une société florissante de compléments alimentaires début mai 2022.
Interviewée pour un podcast dédié à l'entreprise, la dirigeante se plaint des difficultés de recrutement de stagiaires, qu'elle a beaucoup de mal à trouver. Une remarque fait bondir les internautes : Elles fustige notamment les stagiaires ne pouvant travailler que 35 H, jugeant que “dans le monde dans lequel je vis, si je ne travaille pas 80 heures par semaine il y a très peu de chances que j’ai un appartement, une résidence secondaire”.
Sa déclaration coche malheureusement les cases des sujets sensibles cités plus haut, liés aux conditions de travail et aux valeurs de la direction et des employés
Résultats : un bad buzz aussi soudain que bref avec durant trois jours, plus de 63000 tweets, souvent humoristiques, avec détournements et parodies (la preuve que le sujet marque les esprits) et puis les messages d’agressivité malheureusement "ordinaire" sur les réseaux sociaux. Mais aussi des milliers d’avis négatifs sur les pages Google My Business. Les déclarations de la dirigeante ont donc un très fort écho et, si les pics de tweets laisseront au final relativement peu de traces, les avis sur les pages web de Google et les articles de presse et de blog s'avèrent plus problématiques pour le long terme
Cet exemple, extrême, démontre qu’il convient, pour toute organisation, d'analyser et de décortiquer toutes les dimensions (drivers) qui constituent puis peuvent faire ou défaire votre réputation. Et ce, pour limiter autant que possible les déclarations écrites ou orales, les prises de parole malheureuses ou les prises de position potentiellement crisogènes. Et puis il y a le bon sens : annoncer publiquement que l'on cherche à se départir des règles légales de durée de travail, ne peut, en aucun cas, amener quelque chose de positif.
Revenons aux compagnies aériennes. Parmi les critères de satisfaction et d'insatisfaction et donc potentiellement sensibles pour les clients de cette compagnie européenne, le sujet de la ponctualité (Timeliness) est de loin le plus discuté. Bien sûr, compte tenu de la variété des discussions sur les médias sociaux, vous pouvez analyser des centaines d’autres critères de votre choix, lié à la réputation, aux produits, au service client par exemple. Il faudra donc collecter et analyser les avis consommateurs et insights clients le plus rapidement possible, en temps réel.
Analyse des cirtères de services les plus discutés sur les médias sociaux par les clients d'une compagnie aérienne. Via Digimind Social
Si l’on considère ensuite que le sujet de la ponctualité est, de loin, celui qui génère le plus de sentiments négatifs pour cette compagnie aérienne, il est évident que tout prise de parole des dirigeants et des cadres concernant ce thème sera scruté avec attention et commenté par les clients via des émotions , pas forcément rationnelles.