Jérome Bondu, Directeur de Inter-Ligere, Cabinet de veille et intelligence économique, nous propose de prendre du recul sur la révolution informationnelle et ses opportunités pour les professionnels de la veille. Un article écrit dans le cadre du nouveau Guide des tendances 2021 en digital, veille, marketing & social média qui compile les points de vue, billets et analyses de 35 spécialistes.
Alors, que représente cette révolution de l'information ?
Le guide Tendances 2021 en Sociak Media et Marketing par 35 experts
En effet, depuis une cinquantaine d’années, la révolution numérique est en marche. Elle a vu l’apparition des ordinateurs, d’internet, du web, des médias sociaux, du big data. Elle verra demain la démocratisation de l’intelligence artificielle et des ordinateurs quantiques. Cette cinquième révolution informationnelle fait suite à la révolution du langage, de l’écrit, de l’imprimé et de l’électrification des outils de communication. Respectivement apparus il y a 70 000 ans, 5000 ans, 500 ans, 150 ans.
Les professionnels de l’information au sens large (documentalistes, veilleurs, analystes, professionnels de l’IE) devraient être parfaitement à l’aise dans ce monde où la valeur vient d’une bonne exploitation de l’information. En effet, nous maîtrisons les outils de collecte, de veille, d’analyse, de diffusion et de sécurisation. C’est donc notre monde, notre chance. Nous avons beaucoup d’atouts en main.
Je n’en suis pas si sûr. Reprenons quelques faits saillants de la révolution numérique.
D’abord, le développement des moteurs de recherche à partir de 2000 a changé la manière de rechercher sur le web. Nous autres professionnels de la veille savons particulièrement bien tirer parti des moteurs de recherche. Les techniques d’interrogation professionnelles nous permettent de trouver rapidement et efficacement des informations pertinentes. Mais nous n’avons pas voulu ou pas su communiquer au grand public notre savoir-faire. Résultat, mais nous ne sommes pas reconnus pour cette expertise. L’immense majorité de la population ne connaît rien des opérateurs de recherche, et ignore les gains en productivité que l’on peut tirer de leur utilisation.
Ensuite, le développement des médias sociaux à partir de 2005 a bouleversé les manières de s’informer et d’interagir. Là encore, les professionnels de l’intelligence économique, aguerris aux techniques de gestion des réseaux humains, sensibilisés à la « stratégie réseau » chère à Nicolas Moinet et Christian Marcon, auraient pu monter au créneau. Mais le sujet a été préempté plus intelligemment par la communication, avec le développement du poste de community manager.
Continuons : Le thème de l’Intelligence collective a connu et connaît encore son heure de gloire. Le développement des outils des RSE (réseaux sociaux d’entreprise) en est la meilleure preuve. Les veilleurs, qui ont la dimension collaborative dans leur ADN auraient pu à cette occasion gagner en visibilité. Mais là encore, nous n’avons pas su nous mettre sur le devant de la scène, préempté par les ressources humaines.
Et pour finir, nous avons tous assisté à l’émergence récente des infox. Nous avions là aussi notre mot à dire. Notre expertise dans les domaines de l’analyse fait de nous des chasseurs redoutables, des trouveurs de l’origine d’une source, du croisement des sources, bref, de l’analyse. Mais sur ce dernier point comme sur les autres, nous n’avons pas su prendre le bon ascenseur. Avons-nous vu un seul spécialiste d’IE sur des chaînes nationales à des heures de grande écoute pour traiter des fake news ?
Car cela va aspirer (voire siphonner) les budgets dans les organisations, être un levier fondamental de création de valeur, redessiner les rapports de force dans les entreprises … Bien sûr, il ne s’agit pas de s’improviser data scientiste ou de refaire une école d’ingénieur. Mais l’ouvrage « Ce sera l’IA et/ou moi » de Cécile Dejoux montre bien qu’il y a de la place pour tous, même quand l’on n’est pas data scientiste. Il faudra « simplement » savoir se positionner en interface entre les clients internes et les professionnels de l’IA. Tout en jouant avec nos domaines traditionnels de compétence : maîtrise des outils de recherche et de veille, d’analyse et d’organisation (facteur humain). Rater ce nouveau coche serait impardonnable pour la profession.
En conclusion, il me semble essentiel de tirer la profession vers l’IA. Les plateformes de veille doivent montrer l’exemple. Certaines le font déjà comme Digimind avec AI Sense. C’est toute une profession qui devrait se mobiliser pour gravir cette nouvelle marche. L’avenir peut être passionnant, pour peu que nous nous y préparions convenablement.
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Jérôme Bondu est l'auteur du livre « Maitrisez internet … avant qu’internet ne nous maitrise ».
Edition Inter-Ligere & VA Presse. 2ème Edition 2020.
Retrouvez l’article de Jérôme avec 34 autres experts dans le Guide Tendances 2021 en Social Media et Marketing.
Le Guide Tendance 2021 en Social Media, Digital et Marketing