Dans un précédent billet, nous avons examiné les bonnes pratiques de veille pour la phase de cadrage de votre projet de veille. Aujourd’hui, nous allons parler collecte. Et, au fil des années et projets, je remarque que l'organisation de la collecte se résume trop souvent au paramétrage de mots clés dans un outil, en espérant que le logiciel rapporte des pépites. Mais ça ne fonctionne pas comme cela ;-)
La collecte est la deuxième phase du processus de veille. Elle consiste à recueillir des informations, des données souvent brutes (études, rapport, actualités, messages sur les réseaux sociaux, images, vidéos etc….) qu'il conviendra ensuite de partager et analyser pour leur donner de la valeur. On pense d’ailleurs souvent à collecter des documents “physiques”, en papier, sur le web ou au sein de bases de données. Toutefois, la culture orale prévaut encore dans de nombreuses organisations : “les dirigeants transmettent 2/3 de leur information et de leur connaissance lors d’entretiens informels, et seulement 1/3 dans leur documents" (IBM. Knowledge Management technology)
Pour remédier à cela, il convient de diversifier les espaces et modes de collecte et ne pas seulement penser "données écrites" mais aussi "terrain" et "machine à café". Comment faire ? Voici 5 bonnes pratiques pour cette phase de collecte :
Première bonne pratique lors de cette phase de collecte : recenser tous les modes et espaces qui vont vous permettre de collecter de l’information potentiellement utile à votre projet de veille.
L’idéal : en phase d’audit ou en phase de début de projet, réunissez une équipe de profils et cultures diversifiés : Marketing, R&D, Commerciaux, seniors, juniors, managers, afin de réfléchir activement à tous les process de collectes possibles, et pas seulement selon le prisme d’une fonction ou d’une génération et selon des préjugés (la presse papier c’est “has been”, il y a tout sur le web, etc...).
Plutôt qu’un long discours, voici un schéma qui résume les principales sphères de collecte de l’information à lister puis à tester selon votre activité et vos objectifs :
Deuxième bonne pratique lors de la phase de collecte pour votre projet de veille : penser à collecter sur le “terrain”. Dans le cadre de ce billet, nous entendrons la notion de terrain au sens large : le réseau commercial et ses relations avec les clients et prospects, les salons et conférences et... la machine à café, ou tout espace de rencontre informelle au sein de votre organisation (espace boissons, coin cuisine, coin détente, salles de sport).
Pour assurer la remontée d’information par le réseau commercial (et les autres fonctions en contact avec le terrain : experts, consultants,...), il vaut mieux mettre en place un contrat "gagnant-gagnant" avec les équipes afin de leur démontrer l’intérêt pour elles à transmettre aux veilleurs des informations et retours d’expérience. Exemple : expliquer que cette remontée, après analyse et restitution pourra servir à :
- Améliorer la qualité des réponses aux objections des prospects
- Optimiser la stratégie de visite (ciblage, position…).
Il est d'ailleurs souvent nécessaire d’intégrer la remontée d’informations dans les objectifs qualitatifs et la gestion des incentives.
D'autre part, comme pour le lancement et la vie du projet, une implication claire du management des équipes terrain sera indispensable, afin d’expliquer, motiver et assurer la poursuite d'objectifs communs.
La veille au sein des événements peut constituer un livre à elle seule. Aussi, je vais me concentrer ici sur certaines bonnes pratiques fondamentales.
La visite de salons, conférences et congrès est un type précieux de collecte d’informations souvent originales. Mais souvent, les retours d’expérience que je peux rencontrer sont plutôt négatifs : La collecte sur les congrès est souvent jugée comme non optimale, le partage des informations est jugé insuffisant. Extraits : "De manière générale, pas de comptes-rendus, ni d’analyse des retours congrès ", "Le nombre limité de personnes allant aux congrès associé au manque de partage et d’organisation ne facilite pas la remontée d’informations", "Une personne centralisait les demandes avant les congrès mais ça ne se fait plus".
Pour éviter ces résultats décevants, ce type de collecte nécessite une méthodologie précise avant, pendant et après l'événement. Il faudra en effet notamment mettre en place un plan de ciblage des stands et conférences, des objectifs de collecte (quels types de données), définir des outils de remontée en temps réel (email, pièces jointes, sms, photos...), un process de feedback avec une équipe au Siège qui réagit, réoriente et interroge, ainsi que la définition des supports d’exploitation et d’analyse après le salon.
Des plateformes de veille perfectionnées intègrent un module de Remontée terrain : une ou plusieurs adresses email sont dédiées à la veille terrain. Lorsque le commercial ou le veilleur envoie un mail du terrain (avec photos et pièces jointes) via son smartphone, le message vient s’incrémenter directement et automatiquement dans des dossiers spécifiques où il peut être traité, si besoin en temps réel, par les personnes adéquates (manager, veilleur, analyste, task force veille salon).
Troisième bonne pratique pour cette phase de collecte :
Que cela soit pour une collecte web ou une collecte terrain, il convient de raisonner en variant les points de vue et les angles d’attaques afin de disposer d’une information de qualité.
Pour une veille web, il est nécessaire de recueillir des données en imaginant toutes les parties prenantes qui vont participer à l'élaboration de cette information. Exemple : vous recherchez des informations sur un concurrent, il faudra pour cela surveiller et analyser des sources produites par le concurrent lui-même bien sûr, ses clients, ses fournisseurs, les organismes réglementaires, les ONGs, les médias…et diversifier les types de sources : sites de presse et actualités, réseaux sociaux, études de marché, petites annonces d'emploi, minutes de Conseil municipaux, etc…Les sources web pouvant être très nombreuses, il faut, dans l’idéal, les cartographier par univers (réglementaire, social media, concurrents, brevets, RH, Production etc….) afin de capitaliser de la manière la plus organisée possible et de dédier les ressources humaines nécessaires à leur mise à jour et enrichissement.
Pour une veille terrain, vous pouvez interroger des concurrent de votre entreprise cible, des cadres et stagiaires.
Pour une collecte optimale sur le web, il convient de maîtriser et varier la sémantique du secteur, des produits cibles de votre veille. Derrière ce mot savant de "sémantique", je veux dire qu’il faut connaitre toutes les variantes des expressions que vous souhaiter surveiller et collecter; C'est-à-dire tous les synonymes et mots “équivalents” (parfois même utilisés à tort) tels qu'ils sont parlés par tous les acteurs de votre secteur et surtout par les médias, prospects et clients afin de ne pas manquer des informations concernant votre produit, exprimées selon des mots qui ne correspondent pas tout à fait a ceux employés par les professionnels et les spécialistes. Exemple : si vous surveillez expression ”Assurance santé” telle qu'elle peut figurer sur vos plaquettes, sites et documents internes mais que vos clients et prospects ou journalistes parlent le plus souvent à la place de “mutuelle”, vous raterez de nombreuses informations.
Là encore, afin de définir le maximum d’expressions, faites participer des équipes issues de différentes cultures et fonctions dans l’organisation.
Cinquième bonne pratique : à l’instar des études de marché, pour votre stratégie de collecte sur le web, il faut, dans l’idéal, adopter une approche quali et quanti.
L’approche qualitative consiste à sélectionner un panel de 50 à 300 sources définies : c’est-à-dire que vous serez alerté dès que l'on parle de vous sur une sélection de sites comme lemonde.fr, journaldunet, futurasciences, etc. L’intérêt ? il est multiple. Vous pouvez en effet :
• Réaliser des analyses et benchmarks à périmètre constant, surveiller des tendances dans la durée
• Faire des analyses qualitative (sentiment, valeurs) sur des sources présélectionnées sans être pollué ou pâtir de biais
• Procéder à un suivi d'actions de communication sur une communauté de clients ou de medias précise, à l'instar de focus groups
L’approche quantitative consiste en une surveillance à 360° du maximum de sources (blogs, réseaux sociaux, avis consommateurs, forums, plateformes vidéos, images, presse généraliste, spécialisée...) via une interrogation automatisée de moteurs de recherche et APIs par mots clés.
Cette approche permet de :
• De ne rien rater, surtout pas un bad buzz
• D'analyser la diffusion et la propagation
• De découvrir de nouvelles sources influentes
Les 2 approches ne sont pas exclusives et se complètent. Toutefois, certains types de veille privilégient souvent l’une ou l’autre des approches. Par exemple, pour une veille technologique, on aimera souvent l’approche quali, pour sélectionner des sources spécialisées, pour une veille e-reputation, l'approche quanti est idéale.
Pour conclure cette phase de collecte, rappelez-vous ces points simples mais essentiels :
-Plus les objectifs de collecte/recherche sont précis, plus cette phase a de chances de réussir. Il est crucial de savoir pourquoi l’on vous demande de rechercher telle ou telle information : cela explicitera le type de données que vous devez obtenir et vous motivera davantage !
-On ne surveille pas "tout" : Sinon on passe la journée à traiter, à lire…Les sources à surveiller et leur nombre doivent être en adéquation avec le temps de traitement de chaque veilleur, sa disponibilité, ses usages (mobilité). Rien ne sert de surveiller des sources en chinois si vos experts maîtrisant la langue n’ont pas de temps à consacrer à la lecture.
-Bien faire la distinction entre collecte et veille: Rechercher de l'information pour un besoin ponctuel (étude de marché) est en effet différent d'une veille qui implique une surveillance continue de sources d'informations qui vont renouveler leur contenu. Ce n'est pas parce qu'une source s'est révélée intéressante pour une recherche ponctuelle qu'elle s'avère forcément adéquate pour une surveillance continue. En fonction des résultats d’une collecte ponctuelle et de la découverte de sources "dynamiques", vous pourrez passer en mode veille.
Dans un prochain billet, nous aborderons la phase d’analyse, la plus importante, pourtant souvent négligée par manque de de temps ou de cadrage préalable.
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