Aujourd’hui, la tendance est d’encourager fortement les employés à s’exprimer à titre professionnel sur les réseaux sociaux, en partant du principe qu’ils sont (ou doivent être) des ambassadeurs sur les réseaux sociaux, de leur entreprise et de sa ou ses marques. On part de loin !
Il n’y a pas si longtemps, en 2014, une étude internationale révélait que plus d’un tiers (36%) des grandes entreprises bloquaient l’accès à ces mêmes réseaux sociaux sur les postes de travail de leurs employés. Le pourcentage était même en hausse par rapport aux deux années précédentes, principalement parce que, voyant l’usage des réseaux sociaux croître rapidement, les employeurs craignaient que leurs employés se dispersent et, surtout, qu’ils prennent la parole de manière intempestive et préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.
Il faut dire qu’avec la généralisation des smartphones et du BYOD, l’interdiction d’accéder aux réseaux sociaux au travail n’a plus aucun sens…Je pense que les employeurs l’ont acté et qu’ils ont compris l’intérêt d’étendre la présence sociale et la visibilité de leur(s) marque(s) en s’appuyant sur leurs collaborateurs autant que sur des ambassadeurs. Toutes les bonnes raisons de favoriser cette forme d’implication et les bénéfices que vous pouvez en attendre sont synthétisés dans cette infographie.
Mais s’il fallait ne citer qu’un argument dans ce sens, ce serait celui que nous fournit le Trust Barometer 2016 d’Edelman: sur les réseaux sociaux, les gens font davantage confiance à ce que les employés disent de leur entreprise (et de ses produits/services) qu’à ce qu’en disent ses dirigeants !
C’est d’ailleurs sur ce constat que se fondent les politiques dites d’employee advocacy dont on reparle tant ces derniers temps. Vous ne savez pas en quoi ça consiste ? Les définitions ci-dessous (tirées de cette présentation) ont le mérite de poser les objectifs on ne peut plus clairement, car l’expression est un peu trompeuse : il ne s’agit pas de défendre les employés, mais bien l’entreprise, son image et sa réputation.
Dans tout ce que vous pourrez lire sur le sujet, si vous voulez que vos employés soient vos meilleurs ambassadeurs sur les réseaux sociaux – c'est-à-dire qu’ils communiquent positivement à propos de votre marque/entreprise – vous devez d’abord et avant tout vous occuper de leur bonheur. Cela paraît tellement évident qu’on en oublierait presque de rappeler que cela passe notamment par :
Si vous ne réunissez pas ces conditions, n’espérez pas que vos employés se fassent naturellement vos porte-parole et se battent becs-et-ongles pour défendre l’entreprise chaque fois qu’elle est attaquée, critiquée ou dénigrée sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent.
Mais qu’un salarié ait le réflexe de défendre son entreprise ne suffit pas à faire de lui un ambassadeur. Ce que les entreprises attendent aujourd’hui de leurs employés, c’est qu’ils s’expriment positivement – autrement dit qu’ils soient promoteurs de leur entreprise – tant sur les médias sociaux de celle-ci, que partout ailleurs dans le social web, y compris sur leurs propres page Facebook ou comptes Twitter. Et là, les choses se compliquent…
Vous pouvez encourager vos salariés à prendre la parole, mais ne vous risquez pas à le leur imposer et encore moins à vérifier que ce qu’ils ont écrit ici ou là est « 100 % corporatement correct ». Si vous avez cette tentation, c’est que vous êtes dans une logique de défiance et de contrôle, pour ne pas dire de censure. Cela signifie – pardon de vous le dire – que vous n’avez rien compris aux réseaux sociaux, à leur foncière horizontalité et à leur rejet, en tant que communauté, pour toute autorité décrétée et toute pratique jugée non-authentique…
Ce que dit Jean-Jacques Gressier, p-dg de l'Académie du Service, dans cet article me paraît frappé au coin du bon sens et beaucoup plus constructif :
« Il faut faire le pari de l'intelligence des collaborateurs et investir dans leur formation à l'employee advocacy – réseaux sociaux, expression écrite – plutôt que d'investir dans des ressources qui viendraient les contrôler ».
Incitez, formez, expliquez la règle du jeu et accompagnez vos collaborateurs dans ce rôle autant que vous le voulez. Mais n’obligez personne à publier quoi que ce soit et ne sanctionnez pas ceux qui ne le font pas – sauf, bien entendu, si cela fait explicitement partie de leur job. Pour les autres, cela ne sert à rien. Admettez que tout le monde n’a pas envie de s’afficher en tant qu’ambassadeur et dites-vous que l’employé qui ne le souhaite pas n’est pas pour autant un détracteur.
Surtout, n’imposez pas à vos salariés des pratiques stupides comme l’obligation d’arborer le logo de l’entreprise dans leur profil LinkedIn (si, si, je vous jure que ça existe) : bien plus que la fierté d’appartenance, cela sent la surveillance et la contrainte à plein nez, et vous perdez le bénéfice de crédibilité escompté. Idem pour l’idée saugrenue d’imposer à vos collaborateurs, ou de leur faire bien comprendre, qu’ils doivent relayer ou liker systématiquement, sur leur compte Twitter voire Facebook, tout ce que les équipes marketing postent. Les plus malins ou les plus réticents créeront un compte spécial consacré au boulot et automatiseront le processus de publication, juste histoire d’avoir la paix… Cela se voit comme le nez au milieu de la figure et cela n’a pas du tout le même impact :
Enfin, ne vous faites pas trop d’illusion sur l’intérêt que ce rôle d’ambassadeur peut susciter chez vos collaborateurs. L’argument que votre politique d’employee branding est une bonne chose pour leur personal branding a peu de chance de porter. Les résultats d’une étude de l’EDHEC NewGen Talent Centre, publiés le mois dernier, montrent que, en France, les plus jeunes sont peu enclins à jouer le jeu que nombre d’entreprises aimeraient généraliser. Ils cloisonnement nettement leur vie pro et leur vie perso. Par exemple, seul 1 jeune actif sur 4 suit la marque de son employeur sur ses réseaux sociaux personnels et 62% n’ont même jamais mentionné le nom de leur employeur sur leurs réseaux.
Mais ils sont loyaux : ils ne partageraient pas en ligne leurs critiques au sujet de leur employeur ni ne commenteraient les posts négatifs sur celui-ci. Même si je suis assez d’accord avec la recommandation finale des auteurs (malgré leur formulation un peu étrange…), je ne suis pas sûre que cela suffise à convaincre et à embarquer les intéressés dans un rôle actif d’ambassadeur. Je vous laisse juger :
« Si 60% des jeunes actifs adoptent déjà des comportements cohérents avec une fonction d’ambassadeur, il revient à l’employeur de les informer de l’image de l’entreprise à relayer et de potentialiser leur attitude neutre en support bienveillant. »