On observe aujourd’hui une augmentation de la méfiance des Français vis-à-vis du digital. Nous avions déjà évoqué le sujet en août dernier à travers une étude d’Edelman qui insistait sur l’importance pour les marques d’acquérir la confiance des clients puisque 67% d’entre eux s’estimaient guidés par celle-ci. Cette crise de confiance n’est pas due au hasard; plusieurs éléments peuvent l’expliquer. Les fakes news sont sûrement un des éléments les plus important à prendre en compte. Selon une étude du MTI, elles sont prédominantes et se diffusent plus vite que les informations vérifiées. L’infobésité est omniprésente; des flux de notifications permanents, des informations qui se contredisent, voilà ce qui caractérise aujourd’hui la diffusion des faits. D’autres facteurs sont aussi à prendre en compte tels que les échanges de données entre marques et médias sociaux mais aussi les intrusions des nouvelles technologies qui se développent comme Google Home qui permettra à Google de connaître notre mode de vie le plus finement possible. A l’heure de cette crise de confiance, les consommateurs estiment entretenir une relation inégale avec les marques, qui en savent plus sur eux que l’inverse. Il est donc temps pour les entreprises d’établir une relation avec des échanges égaux et d’y inclure plus de transparence.
Après les déboires du scandale de Cambridge Analytica qui a frappé Facebook, Ifop a établie un sondage pour le Parisien pour connaître les conséquences sur le ressenti des Français. Au total, 67% d’entre eux ne font plus confiance à Facebook. Parmi ces raisons on retrouve la peur de l’utilisation des données personnelles de la part du réseau social à 67% et la présence de fausses informations à 28%.
D’autres scandales ont également accru cette méfiance. En septembre 2017, Judith Duportail, journaliste à The Guardian publie un article sur les données personnelles détenues par Tinder. La journaliste, inscrite depuis 2013 sur l’application de rencontre décide un jour avec l’aide d’un avocat spécialisé et d’une association de récupérer les données personnelles que Tinder possédait sur elle. Ce dernier répond à sa demande et lui envoie 800 pages d’informations. Celles-ci allaient du contenu qu’elle avait liké, de ses interactions sur Facebook, sur Instagram, ses emplois, sa formation scolaire, ses goûts et tous les messages les plus intimes qu’elle avait pu envoyer.
Pour mesurer l’impact de ces éléments sur le comportement des Français nous pouvons nous référer à l’étude de Kantar TNS, Connected Life 2018 sortie en octobre 2017 et qui s’appuie sur des entretiens avec 3 000 Français entre mai et août 2017. On constate dans cette analyse l’impact du digital sur le comportement des consommateurs. En tout, 51% d’entre eux se disent préoccupés par la quantité d’informations personnelles que détiennent les entreprises à travers l’utilisation des réseaux sociaux. Aujourd'hui, 57% des consommateurs français refusent d’utiliser des objets connectés comme des montres qui mesurent leurs activités, par peur que les entreprises collectent une importante quantité d'informations sur eux.
“J'adore et je déteste à la fois Amazon. Je suis satisfait et effrayé par la masse d'information dont ils disposent sur moi. Je les aime car je suis “Vraiment content que vous vous souveniez des cartouches de toner que j'ai achetées la dernière fois ». Et en même temps, je les déteste car « Mais d'où tenez-vous toutes ces informations sur moi ?””.
(propos recueillis par KANTAR TNS)
Les propos récoltés durant l’étude comme ceux de Matthew ci-dessus nous montre explicitement cette position délicate dans laquelle les consommateurs se trouvent. Un facteur que les marques ont intérêt à prendre en compte pour affronter cette ère de post-vérité.
La notion de post-vérité nous renvoie à une méfiance qui se manifeste plus que la confiance. De nouvelles questions font alors leur apparition :
Les entreprises qui vont arriver à fidéliser et gagner la confiance des consommateurs sont celles qui vont prendre de l’avance sur les autres. Il y a donc une nécessité de faire preuve de transparence de la part des entreprises, notamment sur la collecte des données. Ces dernières doivent toujours avoir en tête le dicton “client d’abord” dans leur recherche du “tout savoir”. Les marques doivent travailler à construire une stratégie pour maintenir un lien de confiance tout en y incorporant l’évolution constante du digital.
"Il ne s'agit pas de savoir si j'ai à faire à un robot ou une personne. Il s'agit, dans le cas d'un robot, de le savoir en toute transparence. Je me sentirais comme un imbécile si je découvrais que ce n'était pas une personne... "
(propos recueillis par KANTAR TNS)
Tout l’enjeu des entreprises va être d’adopter une stratégie permettant aux clients d’acquérir et de garder une confiance en la marque. Pour cela, nous vous proposons des pistes à explorer.
On assiste à l’émergence de nouveaux consommateurs, appelés les néo-normatifs, ils sont sensibles au local et attachent une attention toute particulière à l'honnêteté des marques. Tout l’enjeu aujourd’hui est donc d’instaurer sur tous les canaux, un service client en adéquation avec leurs attentes. Dans une logique de revalorisation de la relation client-marque, les marketeurs ne doivent pas céder à la tentation du trop digital. En effet, les Français se sentent aujourd'hui harcelés. La technologie utilisée par les entreprises dans le but de simplifier le quotidien, ne parvient pas à ce résultat. Les consommateurs reçoivent de plus en plus de notifications, de messages d’alertes, de spam et ressentent une certaine oppression vis-à-vis des marques. Celles-ci doivent garder en tête la loi Pareto du 80-20, où 20% des points de contact peuvent fournir 80% d’impact. Bien sûr cette loi peut être adaptable mais elle met en lumière les limites du “trop digital” qui peut s’avérer inutile.
Des moyens existent pour tenter de garder ou même d'établir voir ré-établir une confiance chez les consommateurs :
Bien que certains consommateurs se montrent de plus en plus méfiants vis-à-vis du digital, d’autres ne prêtent pas attention aux dérives de celui-ci. C’est ce qu’a voulu montrer Purple, une entreprise britannique qui propose des hotspots Wi-Fi gratuits. En juillet dernier, l’entreprise a pendant deux semaines fait accepter des CGU un peu particulières en échanges hotspots Wi-Fi gratuits. Dans ces CGU, l’entreprise a inclus une “clause de travaux d’intérêt généraux” allant de nettoyer les parcs des excréments d’animaux, à récurer les toilettes d’un festival ou encore d’enlever les chewing-gums sur les trottoirs. Purple avait également inclus une récompense pour les utilisateurs qui repéreraient cette clause. Sur 22 000 utilisateurs, une seule personne a contacté Purple pour lui demander des explications sur ces CGU et réclamer son prix. Cette action du groupe britannique visait à démontrer l’importance de lire des conditions générales d’utilisations avant toute utilisation de serveur.
Cette campagne a été menée dans le but de promouvoir le futur règlement européen sur la protection des données personnelles qui sera applicable à partir du 25 mai prochain. Ce texte inclut notamment l’obligation de recueillir un consentement “clair et explicite” pour tout traitement de données personnelles ou encore la possibilité du “droit à l’oubli” pour toute personne le souhaitant. Il sera donc intéressant d'analyser quels vont être les impacts de cette réforme et de voir comment les entreprises vont l’appliquer dans leur stratégie de reconquête de la confiance du client.