Lancée en 2011 par le géant de l’internet chinois Tencent, WeChat se définit comme une « application d’appel et de messagerie gratuite » mais c’est une vision très réductrice. Ce n’est pas non plus un réseau social, en tout cas pas au sens où nous l’entendons en occident, c’est-à-dire, pour faire court, au sens de Facebook – notre "référence absolue", avec son 1,8 milliard d’utilisateurs actifs par mois (fin 2016). Facebook n’ayant pas de droit de cité en Chine, WeChat, qui s’en inspirait au début, n’a pas tardé à s’imposer dans l’empire du Milieu, avec la bénédiction et sous l’attentive protection du gouvernement chinois, ce qui aide incontestablement…
Pour ses 850 millions d’utilisateurs (janvier 2017), WeChat est une plateforme mobile universelle, une sorte de couteau suisse qui sert à la fois à : communiquer (chat, texte, audio et vidéo), payer (en ligne et en magasin), envoyer et recevoir de l’argent, faire du shopping, contacter un service client, organiser ses loisirs, faire toutes ses démarches administratives, partager des photos et des vidéos, traduire, jouer, s’informer, draguer… Bref, à faire – dans une seule et unique appli – ce que nous, européens et autres occidentaux, ne pouvons faire qu’avec un nombre toujours croissant d’applications qui n’en finissent pas d’encombrer nos smartphones…
En Chine, WeChat est plus qu’indispensable, c’est le point de passage obligé pour à peu près tout. Et les expatriés ne tardent pas à s’en apercevoir, comme le raconte dans cette vidéo Franck Devisgnes, fondateur d’AXA Lab Asia, installé à Shanghai : « Pour un expatrié comme moi, c’est vital ! C’est même un outil de survie parce que ça fait aussi traduction […] On vit dans l’écosystème WeChat.»
D’après le dernier rapport WeChat Impact (mars 2016), 94 % des utilisateurs se connectent au moins une fois par jour, sachant qu’ils sont 61% à ouvrir l’application plus de 10 fois dans la journée, et 36 % plus de 30 fois. Ce qu’ils y font ? Pour l’essentiel, à peu près la même que chose que nous sur Facebook, à savoir consulter leur timeline (Moments dans le jargon WeChat), poster et partager des contenus. Et...le paiement, qui représente 1/3 des usages.
Application reine en Chine, WeChat ne limite pas ses ambitions à l’empire du Milieu : en avril 2016, elle comptait déjà plus de 200 millions d’utilisateurs hors de Chine, deux fois plus qu’en 2015, principalement en Asie du Sud-Est, mais aussi au Moyen-Orient et en Afrique du Sud. Mais si l’on en croit les déclarations d’Axel Mecl, responsable du développement de WeChat à l’international, elle gagnerait du terrain aux États-Unis et en Europe. Je le crois sur parole, mais chez l’Oncle Sam, il semble que seulement 2% des possesseurs de smartphones utilisaient WeChat au moins une fois par mois en 2016. On peut difficilement parler d’un raz-de-marée… Quant à notre bonne vieille Europe, complètement colonisée par les appli et les réseaux sociaux étatusiniens, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé de chiffres concernant WeChat.
En revanche, les entreprises et marques internationales qui veulent faire du business en Chine et dans les pays voisins peuvent difficilement faire l’économie d’une présence dans l’univers WeChat. Pratiquement toutes les entreprises du Fortune 500 ont un compte officiel, estime Axel Mecl : « Quand on leur dit que notre service, en population, ce serait le cinquième pays du monde, ça leur donne très envie d’être reliés à ces clients potentiels. Rien qu’en Chine, 300 millions de nos utilisateurs utilisent notre paiement via WeChat Pay. »
A la première lecture de cette phrase, je me suis demandée pourquoi A. Mecl mentionnait ce système de paiement. C’est en regardant l’intervention de Frank Desvignes au HUBDAY de décembre dernier que j’ai compris : « Tout est commerce en Chine, donc tout est commerce sur les réseaux sociaux. On fait rarement de la pub pour faire venir les utilisateurs sur son compte, puis essayer petit à petit de les convertir à du commerce. [Sur WeChat] vous êtes toujours à un clic pour payer quoi que soit ». En d’autres termes, les marques ne se dispersent pas sur toute une série de réseaux sociaux pour engager les clients et les attirer sur leur site e-Commerce. Leur compte WeChat est un site marchand où l’on paie en un clin d’œil avec le système de paiement intégré. Simple et efficace !
WeChat est aussi incontournable pour les services clients des marques locales ou internationales. Caudalie, par exemple, estime qu'en Chine, 80% à 90% de ses clients utilisent WeChat pour contacter son service client, en mode texte mais aussi voix et vidéo.
C’est difficile à dire. WeChat, vraiment conçu pour le mobile, offre indéniablement beaucoup plus de possibilités que Facebook qui, aujourd’hui, a plutôt l’air d’essayer de suivre le leader chinois que de le devancer. D’un point de vue pratique, une plateforme qui fait tout – et plutôt bien, semble-t-il, au vu du nombre d’adeptes – est un modèle plutôt séduisant pour l’utilisateur. On arrêterait de jongler entre Facebook, Twitter, WhatsApp, Snapchat, Pinterest, linkedIn… sans parler des applis de nos banques, fournisseurs d’énergie, opérateurs télécoms… Celles de nos marques et enseignes préférées et tout un tas d’autres qu’on télécharge et qu’on n’utilise jamais… Et au lieu de nos sites de rencontres préférés, on utiliserait la fonction « Check around » ou la plus populaire des fonctions WeChat : le Shake. Cela consiste à secouer votre téléphone et si une autre personne connectée fait la même chose au même moment, son profil apparaît sur votre écran et vous pouvez entrer en contact avec elle.
A vrai dire, la plateforme WeChat repose, elle aussi, sur un système d’appli. Il en existerait près de 10 000. La différence, c’est qu’elles ne nécessitent aucune installation. Elles se présentent sous forme de comptes que l’on décide de suivre, en flashant simplement un QR code. Et comme elles sont écrites en htlm5, elle demandent très peu d’espace de stockage.
S’il se dit que Facebook est en voie de WeChatisation, WeChat a plusieurs longueurs d’avance. La plus grande force de Facebook, c’est la force de l’habitude pour 1,8 milliard de personnes qui n’abandonneront pas du jour au lendemain leurs années d’historiques et leurs « amis » Facebook. Je les vois mal tout rapatrier dans WeChat. Et puis au fond, ce n’est peut-être pas si bien que ça, WeChat : en juillet dernier, une enquête du China Youth Daily nous apprenait que plus d’un tiers des utilisateurs de WeChat (35,8 %) étaient prêts à fermer leur compte…
Peut-être qu’ils s’imaginent qu’on est plus libre sur Facebook ? Cela reste à prouver…