Un contenu qui devient viral, c’est le rêve secret de tous les web marketers ! Mais peut-on vraiment considérer les mèmes internet (ou memes, sans accent, tout le monde n’est pas d’accord…) comme des contenus viraux ? C’est en tout cas ce que laisse entendre la définition qu’en donnait, ici même en décembre dernier, Laurent Gesta, le DGA de l’agence Australie :
« En langage geek, un meme c’est un OVNI ou Objet Viral Non Identifié, on ne sait pas d’où ça part, qui a commencé mais au final ça fait un maximum d’audience pour un minimum d’euros… en fait on pourrait dire que c’est un rêve d’annonceur. »
Toute l’ambiguïté des mèmes se trouve résumée dans cette définition et c’est précisément à cause de cette ambiguïté qu’on ne peut pas, à mon avis, considérer les mèmes comme des contenus viraux comme les autres.
Un contenu viral, c’est le même contenu qui, en peu de temps, est partagé de manière exponentielle sur les réseaux sociaux, sans être modifié. Pour prendre le premier exemple qui me passe par la tête, c’est typiquement la vidéo de la dernière pub d’Intermarché, #lamourlamour, qui fait un carton sur Facebook depuis la mi-mars avec plus de 8,5 millions de vues, 63 000 réactions et plus de 36 000 partages. C’est un très joli cas d’école qui réunit avec brio deux ingrédients majeurs de la viralité – émotion(s) & narration – et qui réussit l’exploit assez improbable de faire écouter 3 minutes de Mouloudji à des millenials ! Depuis, d’après Culture Pub, la chanson connaîtrait une nouvelle jeunesse sur les plateformes d’écoute et serait n°2 des ventes sur iTunes !
Donc ça, c’est un contenu viral type. On n’est jamais tout à fait sûr que ça va marcher, ni quelle ampleur ça peut prendre, mais on connaît à peu près la recette et ça peut se fabriquer de toute pièce.
En revanche, je vous mets au défi, en tant que marque, de déclencher délibérément un phénomène de type mème. Ce n’est tout simplement pas possible, pour la bonne raison qu’un mème est avant tout le détournement imprévisible d’un contenu existant. Vous pouvez toujours proposer un support à votre communauté, mais rien ne vous garantira jamais :
1/ que quelqu’un quelque part va s’emparer de votre visuel, vidéo, slogan, hashtag ou autre punchline pour en faire quelque chose d’autre;
2/ que d’autres vont, en nombre sinon en masse, emboîter le pas au premier et procéder à leur propres détournements. Un vrai mème est multiple, sinon, c’est beaucoup moins drôle et, sociologiquement parlant, beaucoup moins intéressant.
Voilà pourquoi, à mon avis, le mème n’est pas et ne peut pas être un objet et encore moins un objectif marketing. Sauf à essayer de repérer les mèmes que vos contenus auraient pu inspirer et à les mettre en avant pour les réassocier à votre marque, les vrais mèmes vous échappent, vivent leur vie là où vous n’êtes pas, racontent des histoires qui ne sont plus les vôtres, comme le montre cet exemple trouvé ici.
« Lorsqu'un mème évolue, il emprunte en effet souvent des éléments à d'autres mèmes précédents – ce qui les rend rapidement incompréhensibles pour les non-initiés : dans l'exemple [ci-dessus], la photographie du chien ne se comprend que si l'on connaît déjà "Ridiculously photogenic guy". »
Au fond, si les mèmes nous fascinent autant, c’est parce qu’ils nous échappent. Purs phénomènes de pop culture, ils ouvrent un espace infini de liberté, de créativité brouillonne et de filiations que seuls les initiés savent retracer.
La campagne pour l’élection présidentielle nous a récemment valu un magnifique exemple de mème. Le 15 mars, une brève séquence vidéo d’une interview du candidat Jean-Luc Mélenchon sur Europe1 a été facétieusement transformée en gif animé.
Posté sur Twitter accompagné du hashtag #MelenchonReaction, il a donné lieu à une impressionnante série de reprises, avec des légendes portant sur la campagne dont certaines sont très drôles. Il y a aussi des reprises qui n’ont rien à voir avec la politique. Si elles sont souvent moins drôles (et parfois, disons-le, carrément nulles), elles témoignent d’une forte appropriation par la twittosphère, au-delà, il me semble, des seuls partisans du candidat.
La chose a pris une telle ampleur que le phénomène a été remarqué et repris le jour même par plusieurs médias, dont 20 minutes et le Huffington Post. Ceci, pour le coup – la reprise par des grands sites média – c’est le summum du rêve pour un social marketer, parce que ça relance inévitablement la machine.
Le lendemain, on voyait apparaître un best-of sur Hitek. Et, alors que ce genre d’emballement retombe souvent assez vite, ça ne s’est pas arrêté là : Une semaine après, les mèmes continuaient à fleurir sur Twitter, intégrant les éléments les plus récents de la campagne, avec dans certain cas une indéniable sophistication :
#MelenchonReaction #Lepencarte pic.twitter.com/KyCBfMxpks
— greub (@greub1) 21 mars 2017
Bien malin qui pourrait dire à qui peut être imputé un tel succès. Le candidat s’appuie, certes, sur une communauté très nombreuse, très engagée et particulièrement créative, l'image est drôle, l'expression est marquée, mais ça pouvait tout aussi bien faire un flop. C’est toute la beauté des mèmes : on ne sait jamais vraiment pourquoi ils apparaissent, ni pourquoi ils prospèrent.
Et vous, quels sont vos mèmes préférés ?