A l’occasion de la sortie de l’Etude “Le marché Food and Drink en France sur les médias sociaux”, nous nous sommes entretenus avec Jean-Marc Dupouy, Directeur stratégies digitales à l'agence St John's. Il gère notamment des marques Food & Drink comme St Michel, Jordans ou encore les whisky Early Times et Jack Daniel's. Il nous livre son regard d'expert sur ce secteur et les stratégies social media des annonceurs.
Jean-Marc nous parle de l’importance d'Instagram dans les stratégies Social Media mais aussi :
Découvrez l’intégralité de l’interview de Jean-Marc dans l’étude sur le marché Food and Drink, ainsi que l’interview d’Instagram, 10 tendances clés, les stratégies de marques et les tendances de partages des consommateurs sur les médias sociaux.
La vigilance et l’exigence des consommateurs ne cessent de croître. D’un côté la demande monte sur des engagements qualité forts et sous de multiples dimensions, de l’autre il ne se passe pas un jour sans qu’une actualité pointe des déficiences industrielles ou de filières de production. Il en résulte un climat de défiance, qui vaut aux marques autant de compliments que d’interpellations suspicieuses spontanées. Les médias jouent d’ailleurs un jeu assez trouble sur ces thématiques en dramatisant bien souvent la moindre étude. L’information, en course de vitesse et souvent de création d’attention, se fait souvent accusatrice : une “trace résiduelle” (et dans les normes) devient vite “bourré de” !
Le consommateur, très sensibilisé et exposé aux contenus sur la nutrition et l’alimentation, doit naviguer et s’adapter sans cesse. Il en résulte un brouillage des frontières à l’image des “flexitariens”. On ne se retrouve plus forcément dans des cases, avec des attitudes fermes voire un militantisme convaincu. Tout le monde veut mieux manger, équilibrer, respecter l’environnement, et tente de l’intégrer dans sa réalité, sans renoncer totalement.
Chez les plus jeunes générations, la montée du healthy cohabite sans complexe avec les burgers les plus riches voire des junk food emblématiques.
Comme maintenant sur tous les canaux, les marques valorisent leurs engagements, prennent position sur des questions qui dépassent bien souvent la nutrition, parlent responsabilité et transparence. Difficile cependant parfois d’être audible ou ne pas être contredits par les différentes réalités des produits et pratiques des entreprises. Le “corporate” occupe un espace de plus en plus stratégique dans l’espace marketing jusqu’à en devenir un levier majeur. Dès lors ces messages appellent souvent des actes concrets et non seulement des déclarations d’intention. Ils doivent aussi devenir attractifs dans leur mise en forme, séduire, émouvoir, divertir, innover.
D’abord être conscient des limites de l’exercice. Il n’est pas question de passer pour la perfection incarnée, mais bien de sensibiliser, contribuer, construire… Les marques doivent se positionner dans une dynamique comparable aux consommateurs, de mutation, de progrès, sans radicalisme ou auto-glorification. Pas la peine d’espérer convaincre tout le monde ou d’avoir le dernier mot, la diversité des opinions est une règle indépassable. La réponse est par contre une obligation, en particulier sur des questions légitimes. Cela peut aller de la simple réclamation à des interrogations soulevées par l’actualité. La recherche de la satisfaction client, la transparence maximale, la réactivité sont des objectifs essentiels.
Je pense en particulier aux prises de paroles pour la marque St Michel sur son engagement 100% œufs de poules élevées en plein air. Au delà de leur créativité et de l’engouement qu’elles ont pu susciter, ces campagnes sont emblématiques de la possibilité de placer au cœur des activations un message sur le bien-être animal en s’adressant à des consommateurs à la fois tous concernés et sans activisme particulier. Ce qui est remarquable c’est que l’enjeu dépasse totalement le bénéfice client direct sur le produit, pour une question de responsabilité de ceux qui produisent mais aussi à travers nos achats. Ces campagnes disent que nous sommes acteurs du changement… et pour autant le sérieux du propos est plus que compatible avec un storytelling divertissant et engageant.
Dans l’univers du social media, la vidéo est devenue sans aucun doute le format le plus universel mais aussi le plus apprécié. Il est désormais un élément clé en terme d’attention, d’implication et donc d’engagement, qu’il soit au cœur d’une campagne ou qu’il donne vie à l’idée portée par un dispositif plus large. L’autoplay, les algorithmes favorables, l’explosion des formats stories… stimulent ce support tout en créant de nouveaux enjeux de créativité et de production.
Ensuite, indépendamment des formats, le contenu le plus engageant reste celui qui active le sens du jeu. On oublie parfois que les réseaux sociaux restent (encore aujourd’hui) des espaces de divertissement avant tout. Proposer des challenges, solliciter la participation, inviter à interagir de manière ludique sont des leviers forts pour sortir de la posture passive. Ces formes d’engagement sont bien souvent surprenantes par leur spontanéité et intensité.
Nativement les comptes sociaux permettent d’identifier les profils de manière précise et il nous arrive d’avoir pour objectif de piloter l’adéquation entre les caractéristiques des communautés et les cœurs de cibles via les contenus. En plus des informations sur les âges, sexe, localisation, les “intérêts” peuvent constituer des indicateurs intéressants. Plus parlants encore, les hashtags, en particulier sur Instagram, donnent une vision des motivations et intérêts des consommateurs. Sur un même produit, on pourra ainsi repérer et mesurer des insights aussi variés que : forme, bien-être, régime, véganisme, fitness… qui peuvent servir à décrypter les profils, adapter les contenus en conséquence, et même intégrer les stratégies de ciblage en paid media.
Le volet le plus “manuel” consiste à collecter les contenus (automatisable) et identifier des grandes tendances. Instagram, par la place essentielle accordée à la représentation (pour ne pas dire théâtralisation) du food et des moments de consommation personnels constitue une véritable mine d’enseignements. Une revue de contenus Instagram permet de dénicher des insights, des usages, des recettes, des avis, des réactions… c’est un livre ouvert sur les pratiques, les perceptions, voire des préférences dans les gammes.
Les influenceurs, caractérisés par leur nombre d’abonnés et la capacité à partager avec une communauté engagée ou via un média, sont depuis longtemps intégrés à nos stratégies et opérations. Ils représentent un relais idéal pour une activation, une innovation, un message fort de la marque. Toutes les formes sont possibles, du portage au rendez-vous événementiel, des ateliers aux collaborations directes… Mais ce qui restait encore assez proche des RP dans la démarche évolue de plus en plus dans la logique d’influence plus large. Les outils d’identification et plateformes de matching apportent les ressources pour des ciblages de plus en plus fiables et affinitaires, permettant des mises en œuvre de diffusion à plus grand échelle, en particulier auprès de middle et micro-influenceurs (long tail). Les stratégies d’influence sont un véritable enjeu dans l’univers du food pour faire découvrir des produits et stimuler la recommandation entre consommateurs.
Le cas le plus marquant pour moi est celui d’une marque Food (que je ne citerai pas) dont le claim s’était “popularisé” auprès du jeune public. Notre client était convaincu du capital constitué, au service de sa plateforme de marque… mais le social listening a révélé une tout autre réalité. Certes le claim était devenu une véritable “expression”... mais dans ses usages il était totalement détourné de son sens premier. Alors qu’il devait incarner la valeur de “création de lien d’amitié”, il était devenu l’anathème adressé à ceux qui, au contraire étaient isolés, exclus du lien social. En gros, la vanne pour dire “tu es un loser”.
Le claim a été retiré pour chercher un nouveau territoire !